De Sparte l'immense, il ne reste presque plus qu'un nom, malheureusement. Cité-Etat de premier plan dans la région de Laconie durant la Grèce antique, Sparte fut tout simplement la puissance terrestre militaire la plus dominante dans le monde antique au cours du VIIème siècle avant notre ère. Qui n'a pas entendu parler des Spartiates, de leur mode de vie... spartiate, ou de leurs conflits incessants contre leur ennemi juré, Athènes ? Sortie vainqueur, d'ailleurs, contre cette dernière, durant la guerre du Péloponnèse au Vème siècle, Sparte ne fut vaincue qu'au siècle suivant, ce qui mit fin à leur incroyable hégémonie. Mais elle n'avait pas dit son dernier mot, reprenant du poil de la bête près la conquête romaine de la Grèce. C'est le Roi wisigoth Alaric qui la pilla finalement, ce qui marqua son déclin, surtout au Moyen-Age, lorsque bon nombre de ses habitants partirent pour la toute proche Mystras. Sparte fut unique, sur bien des aspects : politique, militaire bien entendu, les hommes subissant un entraînement des plus rigoureux, mais aussi social, avec notamment les femmes qui jouissaient de bien plus de droits qu'ailleurs dans les civilisations antiques. Mais que reste-t-il vraiment de cette ville qui influença, dit-on, Platon, Rousseau ou Nietzsche ? Et bien malheureusement, plus grand chose... Disons-le clairement, la visite ne restera pas dans les annales, alors que l'histoire du site, la grande Histoire, elle, y restera à jamais. C'est donc avant tout pour arpenter ce lieu mythique qu'on doit aller à Sparte (surtout que l'incroyable Mystras est à une poignée de kilomètres et qu'il n'y a aucun détour à faire). Afin de se dire : voilà où vivaient ces fameux spartiates. Alaric a trop bien fait son travail de sape pour que l'on s'extasie devant les ruines, malheureusement.
Nous le disions en introduction, les ruines de Sparte n'ont en soi rien de bien extraordinaire. Rien n'a été fouillé avant le début du XXème siècle, à une époque où seules des morceaux de murs et une partie du théâtre surgissaient du sol, ainsi que des inscriptions et autres objets rassemblés dans un petit musée. C'est en 1904 que l'école britannique d'Athènes commença des fouilles approfondies du site. Un petit théâtre, ainsi qu'un temple, furent exhumés, ainsi que l'emplacement du sanctuaire d'Athéna sur l'acropole dominant le théâtre. En lui-même, le site reste intéressant car de nombreux panneaux explicatifs parsèment le parcours. Par ailleurs, l'entrée est gratuite, il n'y a donc pas d'excuse pour s'en priver.
Un des aspects les plus connus, et spectaculaires, de la vie dans la Sparte antique est l'accent mis sur l'aptitude militaire, qui débutait dès la naissance. De fait, à peine le bébé sorti du ventre de sa mère, on le plongeait dans une cuve de vin pour voir s'il était fort. Sa première épreuve était donc de survivre... On le conduisait ensuite devant une assemblée qui devait statuer sur ses chances d'être correctement élevé ou non : s'il était jugé chétif, on le jetait dans un gouffre situé sur le Mont Taygète, ce que les Historiens ont toujours considéré comme une forme primitive d'eugénisme. L'infanticide a souvent été pratiqué dans les civilisations antiques.
Dès sept ans débutait le réel entrainement militaire, avec l'ascèse que l'on connait : jamais trop de nourriture pour ne pas stimuler la paresse et faire toucher du doigt ce que peut être le manque, discipline physique de fer... sans compter les exercices intellectuels tels la lecture ou l'écriture. En cas d'échec, les punitions étaient sévères : l'élève devait être capable de répondre brièvement aux questions, de manière... laconique. Eh oui, le mot vient de là, la région de Laconie. Quant aux hommes, ils restent mobilisables pour l'armée jusqu'à 60 ans !
L'un des aspects les plus fascinants de l'ancienne sparte est le rôle des femmes. On connait le peu de cas fait aux femmes dans les mondes grec ou romain. A Sparte, il en va autrement ! Les femmes citoyennes (pas esclaves, là, aucun changement) jouissaient d'un pouvoir et d'un respect inédits dans l'Antiquité. Dès leur naissance, les filles reçoivent la même nourriture que leur frère, ce qui semble une évidence, mais les grecs ne l'appliquaient pas. Jeunes, elles font du sport. Plus fou encore, quand on compare aux autres civilisations, elles ne se mariaient jamais avant la vingtaine, plutôt que les 12 ou 13 ans des grecs ou des romains. L'espérance de vie était par ailleurs meilleure, puisque les filles étaient bien nourries depuis leur naissance, et ne devenaient pas mères trop tôt. Et cela ne s'arrête pas là : elles avaient des robes fendues sur le côté pour une meilleure circulation de l'air, elles se déplaçaient quand elles voulaient en ville, et conduisaient même leurs propres chars. Elles savent presque toutes lire ou compter, contrôlant leurs propres comptes, propriétés et même celles de leurs maris...
Vue partielle de l'agora, dégagée dans les années 1960. |
Même s'il n'en reste rien, Sparte abritait une grande quantité de temples. Pausanias, lors de sa visite, en dénombre plus de 60, dont 40 pour les Dieux et 20 pour quelques héros. Et l'essentiel de ces temples était consacré aux divinités féminines : Athéna était la plus importante pour les spartiates, devenant la patronne de l'agora. Sur l'acropole se trouvait également un temple dédié à Aphrodite, mais avec un côté militaire : un temple Areia "armé". Parmi les héros honorés, citons ceux de la guerre de Troie : Achille, Agamemnon, Cassandre, Clytemnestre, Ménélas ou encore Hélène possédaient tous leur sanctuaire dans la ville. N'oublions pas enfin Héraclès dont les travaux sont très représentés dans l'iconographie spartiate.
Autre vue de la Basilique. |
Alors on l'a bien compris, si les vestiges archéologiques sont très minces, et très décevants une fois sur place, Sparte reste avant tout un incontournable pour les traces laissées dans l'imaginaire, et ce depuis l'Antiquité. Les historiens Thucydide ou Xénophon, pourtant athéniens, louaient son modèle. Les mérites éducatifs de la cité seront loués durant la Renaissance. Encore plus tard, Rousseau la considèrera comme l'archétype d'une société juste.
Restes d'un portique de la stoa. |
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