Appelé également Hôtel-Dieu, le célèbre bâtiment des Hospices de Beaune, dans la ville éponyme de Côte-d'Or, est un des plus célèbres établissement de ce type au monde. Pour son architecture typiquement bourguignonne déjà, avec ces toits en tuiles vernissées que tout le monde a déjà vu en photo. La cour intérieure est une merveille. Son domaine viticole d'autre part, dont les cépages ont toujours été vendus aux enchères afin de financer le fonctionnement de l'hospice. Nous sommes dans un lieu chargé d'histoire, dans lequel, comme dans tout hospice, hospitalité était donnée aux personnes démunies, aux miséreux, aux brisés de la vie, en bref, à tous ceux que la vie a mis à l'écart. La visite est donc très intéressante, puisque l'on voit les différentes pièces dans lesquelles on soignait les malades, ainsi qu'une chouette pharmacie. Par ailleurs, l'Hôtel-Dieu est un musée, avec entre autres un fameux triptyque de Rogier Van der Weyden. En avant la visite !
La tuile vernissée de Bourgogne est un élément décoratif incontournable de la région. Les toits de l'Hôtel-Dieu sont un merveilleux exemple. On voit bien la forme en losanges, caractéristique de la Bourgogne.
C'est en 1441 que débute l'histoire de cet hôtel-Dieu, à la fin de la guerre de Cent Ans. Nicolas Rolin, un richissime chancelier, décide de le fonder à Beaune, ville choisie pour sa situation géographique stratégique, ainsi que pour l'absence de grande fondation religieuse à cette époque. Les travaux débutent après l'acquisition des terrains. C'est en 1452 que sont accueillis les premiers malades, qui pourront fréquenter l'institution gratuitement jusqu'au XXème siècle.
Incroyable richesse de la cour intérieure
Un hôtel-Dieu est comme un hôpital, et d'ailleurs les deux mots ont la même origine. Ces structures d'accueil apparaissent en France dès le Vème siècle. En 650, un évêque de Paris fonde ce qui deviendra l'hôtel-Dieu de la ville. Ces établissements d'aide aux plus démunis sont le plus souvent fondés par un roi, une reine, un évêque ou un riche noble local, et placés sous le signe de la foi chrétienne. Le nombre des hôpitaux a largement augmenté suite aux Croisades sous l'impulsion des ordres hospitaliers. Après une période difficile au XVIème siècle, lorsque les hôtels-Dieu se dégradent, les pauvres étant devenus une gêne sociale plutôt qu'une représentation du Christ, Louis XIV ordonne la création d'un hôpital dans chaque ville du royaume dès 1662. Mais il s'agit plus d'enfermer les gueux qui errent dans les rues que de les soigner. La vraie médicalisation, c'est durant le siècle des Lumières qu'elle se manifeste.
cour intérieure
La façade extérieure, austère, tranche avec la richesse de la décoration de la cours centrale, avec ses célèbres toits en tuile vernissée de Bourgogne. Le choix de l'ardoise pour la toiture remonte à la fondation de l'édifice, car il était peu employé dans la région et plus prestigieux que les tuiles. Mais à partir du XVIIIème siècle, ce sont bien les fameuses tuiles qui sont venues en remplacement. En terre cuite, elles sont enduites d'une glaçure à base de plomb ou d'étain, et prennent leur couleur éclatante à la cuisson au four. C'est en mélangeant diverses formules de sels minéraux que l'on peut obtenir les différentes teintes.
A Beaune, les tuiles ont quatre couleurs : rouge, brun, jaune et vert, formant des entrelacs géométriques. Malheureusement, les dessins originaux ont été perdus et ce que l'on admire aujourd'hui ne remonte qu'au début du XXème siècle. Les façades, comme on le voit bien sur les photos, comprennent deux étages à galerie, ce qui permettait aux soeurs de circuler à l'abri. De nombreuses lucarnes arborent des décorations sculptées en bois. Au centre de la cour, enfin, notons la présence d'un puits en fer forgé.
Entrée principale de l'hôtel-Dieu.
Cour intérieure.
Galerie du premier étage qui permettait la circulation des Soeurs.
Détail de la partie non vernissée de la toiture.
Détail des lucarnes avec les sculptures en bois.
Autre vue de la toiture.
La pièce principale de l'hôtel-Dieu est la grande salle des pauvres. Ses dimensions sont imposantes, avec 50 mètres de longueur et 14 mètres de largeur, pour une hauteur sous plafond de 16 mètres ! La charpente monumentale est magnifique, en forme de carène de bateau renversée. Notez les détails incroyables des poutres traversières, ornées de gueules de dragons multicolores évoquant les monstres de l'enfer. Il y a également de petites têtes sculptées sortant des murs, autant de caricatures des bourgeois de la ville dont les visages sont accompagnés d'animaux symbolisant leurs défauts respectifs.
De part et d'autre de la salle, on trouve deux rangées de lits à rideaux. Au centre se trouvaient à l'époque les tables et les bancs pour les repas. Chaque lit large pouvait accueillir deux patients. Derrière chaque lit, on trouve un coffre permettant de ranger les affaires des malades. Enfin, le long du mur, derrière les rideaux, se trouvait un couloir équipé de chaises d'aisance.
Vue d'ensemble de la grande salle des Pauvres.
La journée d'un malade... Le malade, à Beaune, est tenu en grande considération. Une fois arrivé, il doit d'abord être confessé et communié, son âme lavée de tous ses péchés; ensuite, les soeurs lui coupent les cheveux et les ongles, et lui lavent les pieds, les mains et la tête (on notera la valeur symbolique). On l'installe ensuite dans son lit, agrémenté d'un cadre en bois faisant office de cloison. Il sera vite coutume que les nobles offrent généreusement leur ancien couchage complet. Ce n'est qu'au XVIème siècle que les malades enfilent une chemise de nuit, dormant auparavant nus avec seulement un bonnet. Durant les nuits glaciales de l'hiver, des braseros étaient montés sur roues et circulaient dans les salles, ou bien on plaçait des chaufferettes dans les lits. Une attention toute particulière est apportée à l'hygiène : le sol est lavé à grandes eaux tous les jours, des baignoires sont disponibles... Les repas sont le plus variés possible, avec un régime fait de viandes, de graisses, de légumes.
Détail de trois lits pouvant chacun accueillir deux malades. Le mobilier a été restauré en 1875.
La chapelle (photo ci-dessous) fait partie intégrante de la salle des Pauvres, elle en constitue son prolongement. C'est ici qu'était exposé à l'origine le polyptique du Jugement dernier de Rogier van der Weyden, que l'on pourra découvrir dans une salle dédiée à la fin de la visite : le polyptique était fermé en semaine et ouvert pour les dimanches et les fêtes solennelles. Un jubé en bois la sépare des malades.
Chapelle de l'hôtel-Dieu séparée par le jubé.
Les hospices de Beaune sont également célèbres pour leur domaine viticole et chaque année les ventes attirent énormément de monde. Il faut dire que depuis très longtemps, vin et santé ont été étroitement unis. Le vin était en effet considéré comme un aliment, bien plus qu'une simple boisson, voire même comme un médicament, riche en valeurs nutritives et curatives. Les soeurs hospitalières, qui prenaient grand soin des malades, ne l'ignoraient nullement et utilisaient le vin comme un remède, de préférence chaud et mêlé à un savant mélange de plantes.
Détail d'une tête de noble au niveau de la charpente.
Charpente avec les têtes de dragons.
Rangée de lits dans la salle des Pauvres.
Vue d'ensemble de la salle des Pauvres.
Tombe de Guigone de Salins, épouse du fondateur Nicolas Rolin.
Salle Saint-Hugues, créée en 1645 pour des malades plus aisés.
Vue de la salle Saint-Hugues, avec peintures de la vie du Christ.
Salle Saint-Hugues.
La cuisine est dotée d'une vaste cheminée à double foyer, et meublée de différents éléments d'époque, comme un curieux tourne-broche automatisé datant de 1698 et mis en mouvement par un automate en costume traditionnel appelé "Messire Bertrand" ! Cet automate semble tourner la manivelle et veiller aux fourneaux... La cuisine telle qu'on la visite aujourd'hui est reconstituée comme au début du XIXème siècle, avec notamment son grand fourneau muni de deux robinets d'eau chaude appelés "cols de cygne".
Vue d'ensemble de la cuisine.
Le fourneau avec les cols de cygne.
L'automate du tourne-broche.
Une des parties les plus intéressantes de la visite est l'apothicairerie, ou pharmacie. Elle comprend deux petites pièces avec toutes ses étagères remplies de fioles et de flacons. Dans la première pièce, un mortier en plomb doté d'un arc accroché au pilon (permettant ainsi d'alléger son poids) servait aux apothicaires pour fabriquer leurs remèdes.
Dans la deuxième pièce, belle collection de 130 pots de faïence datés de 1782 dans lesquels on conservait des médicaments, onguents, plantes médicinales et autres huiles et sirops.
Première salle dédiée à la fabrication des remèdes.
Set de préparation de l'apothicaire.
Salle des pots.
Vous reprendrez bien une dragée vermifuge...
... ou de la poudre de cloportes, ou bien de castor...
Les Hospices de Beaune sont aujourd'hui un musée, et deux pièces majeures en fin de visite sont là pour en témoigner.
Tout d'abord, une immense tapisserie, représentant Saint Eloi et la Vierge à l'Enfant. Il s'agit en fait d'un assemblage composite réalisé arbitrairement depuis la fin du XIXème siècle de diverses pièces de tapisserie. On a donc l'impression que Saint Eloi précède le propriétaire d'un cheval dont on vient de ferrer la patte, et qui vient rendre hommage à la Vierge et à son fils. Les personnages de droite sont sur des ilots de gazon, l'ensemble étant représenté sur fond de milliers de fleurs.
Tapisserie de Saint Eloi, avec à droite Saint Fiacre, le patron des jardiniers.
Détail de la tapisserie.
Deuxième pièce, et non des moindres, le Jugement Dernier de Rogier van der Weyden, un retable en quinze panneaux peint spécifiquement pour l'hôtel-Dieu de Beaune par le célèbre artiste flamand entre 1443 et 1452. Il était exposé à l'origine, comme dit plus haut, dans la chapelle de la grande salle des Pauvres, afin d'être vu de tous les malades. Ce n'est qu'en 1836 que l'oeuvre fut découverte par hasard, entièrement recouverte de badigeon. Le musée du Louvre se charge dès 1875 d'une partie de la restauration. Les panneaux du retable sont ensuite sciés afin de pouvoir exposer à la fois l'envers et l'endroit. C'est un des très rares exemples de retable, avec l'adoration de l'Agneau mystique des frères van Eyck en Belgique, demeuré sur les lieux d'origine.
Vue d'ensemble du retable. Le Christ / juge suprême trône au sommet, l'archange Saint Michel pesant les âmes à ses pieds. Le reste du tribunal terrestre est composé de la vierge Marie, de Jean Baptiste et des saints et douze apôtres.
Extérieur des volets, avec en grisaille un ange annonciateur au sommet, ainsi que la Vierge ; de part et d'autres, Nicolas Rolin et son épouse Guigone de Salins encadrent les saints patrons des hospices de Beaune, Saint Sébastien et Saint Antoine.
Représentation du Paradis sur la partie gauche.
Représentation de l'Enfer.
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France - les Hospices de Beaune
Reviewed by RENOULT
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04 janvier
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