Sur le causse du Larzac, en Aveyron, le petit village de Sainte-Eulalie-de-Cernon constitue une halte agréable pour découvrir un village authentique, et historique surtout, puisque Sainte-Eulalie a été le coeur dès le XIIème siècle du territoire Templier, qui y élevèrent une commanderie, que l'on peut visiter aujourd'hui. Cette dernière sera une des plus puissantes du sud de la France, participant activement au financement des activités du Temple en Palestine. A la Renaissance, la ville s'embellit avec l'ajout de nombreux éléments architecturaux délicats. Outre le vieux village en lui-même, il ne faut pas manquer la visite des deux monuments historiques classés : l'église Sainte-Eulalie, et la Commanderie bien entendu, dont la décoration s'étale du XIIIème au XVIIème siècle.
Vue d'ensemble du village de Sainte-Eulalie-de-Cernon, avec ses fortifications et tours défensives typiques des villages templiers.
Rappelons avant de débuter que les Templiers sont un ordre religieux catholique et militaire, créé au XIIème siècle à partir d'une milice, les Pauvres Chevaliers du Christ et du Temple de Salomon. L'objectif de ces chevaliers : accompagner et protéger les pèlerins durant leur trajet jusqu'à Jérusalem, à une époque sombre de guerre Sainte et autres Croisades. Pour accomplir de telles missions, il fallait beaucoup d'argent, d'où la création en Occident d'un réseau de monastères, appelés Commanderies, pourvus de privilèges fiscaux. Au XIIIème siècle, l'ordre fut dissous après la perte de la Terre Sainte.
Sainte-Eulalie-de-Cernon, c'est une histoire ininterrompue de six siècles, qui début donc au milieu du XIIème siècle pour les Templiers, lorsque l'abbé de Saint-Guilhem-le-désert leur offre l'église du village. Quelques années plus tard, les chevaliers héritent de la totalité du village, ainsi que d'une grande partie du plateau du Larzac. Voilà que nos Templiers ont désormais le droit de construire ce qu'ils veulent : villages, châteaux... Ils vont donc reconstruire l'église qui leur avait été léguée, et s'attaquer à l'édification de la Commanderie. Elle sera utilisée pendant 150 ans, avant la chute de l'ordre qui verra le bâtiment passer aux mains des Hospitaliers, un autre ordre qui devait soigner les pèlerins. Ces derniers construisent la première chapelle dans l'église. Durant la guerre de Cent ans au XVème siècle, dans une époque pour le moins trouble, ce sont eux qui font ériger tout autour du village les fortifications que l'on voit encore.
Vers le coeur du village. Il faut donc bien distinguer la Commanderie en elle-même, faite par les Templiers puis reprise par les Hospitaliers, et les autres éléments défensifs, qui remontent au XVème siècle.
Vous arriverez vite, dans le village, à une jolie place ombragée. Avec sa fontaine qui glougloute, elle remonte aux aménagements Renaissance courant XVIIème. C'est à cette époque également que l'on a ajouté un portail baroque à l'église. Ce coeur de village est très agréable, vous aurez une superbe vue sur le causse depuis le bout de la place, et pourrez visiter bien entendu les deux monuments historiques.
L'accès au centre du village se fait par cette belle porte fortifiée sur la droite.
Porte d'entrée fortifiée, d'une hauteur de 20 mètres.
Fontaine Renaissance
L'église Sainte-Eulalie
Ce sont les Templiers qui, vers la fin du XIIème siècle, édifièrent cette église en l'honneur de Sainte Eulalie, jeune martyre espagnole morte pour défendre sa foi. C'est au XIIIème siècle qu'elle est intégrée à un ensemble plus vaste et fortifié, et ces agrandissements et améliorations se poursuivent jusqu'au XVIIème. Sainte-Eulalie, en tant que passage-clef sur la route de Millau, se devait d'avoir une ligne défensive impénétrable. A l'époque Renaissance, de nombreux changements sont apportés, comme nous l'avons déjà évoqué : ajout d'un portail décoré, changement de sens du choeur qui est transféré à l'opposé, ce qui explique l'aspect étrange de l'entrée de nos jours, qui était à l'époque des Templiers le chevet de l'église (leur entrée se faisait depuis l'intérieur de la Commanderie).
La nef Romane date bien, elle, de l'époque Templière : elle était à l'origine orientée vers l'Est, comme c'est l'usage dans l'ordre, avant que le sens ne soit inversé durant la période hospitalière.
Le porche d'entrée (photo ci-dessous à gauche) est donc bizarre, vous avez compris pourquoi. On entre aujourd'hui par le chevet de l'église templière, et par un portail qui possède une décoration totalement baroque. Le cimetière, qui était autour du chevet, a lui aussi été déplacé ! Au-dessus de l'ouverture, une niche abrite une statue de Vierge en marbre provenant de la ville de Gênes. Une croix de Malte a été installée au centre de l'œil-de-bœuf qui surmonte l'ensemble. Une date, celle de l'inversion du sens de l'église, apparaît : 1641.
Portail d'entrée percé dans l'ancien chevet.
Une maison bien défendue : les temps étaient houleux ! (cour intérieure Commanderie)
la Commanderie
L'essentiel de la Commanderie telle qu'on la visite de nos jours remonte aux Hospitaliers. On peut y visiter, pour quelques euros, l'ensemble des édifices, ce qui est unique en France. N'hésitez donc pas ! Un couloir d'entrée vous mènera à une jolie cour intérieure. Puis le vaste bâtiment communautaire avec la salle capitulaire, le dortoir des moines, la chambre des capucins et la salle des fresques.
Extérieur de la Commanderie : austère et défensif !
Les commanderies de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, ou Hospitaliers, sont un ensemble de bâtiments à visée agricole qui sont composés de logis (réfectoire et dortoir) ainsi que de communs (écuries, granges, ateliers...). Sous la responsabilité d'un commandeur, qui est toujours un homme d'église, les commanderies ont donc également une chapelle, ainsi qu'une salle capitulaire. Par ailleurs, certaines possèdent, comme leur nom l'indique, un "hôpital" (Hospitaliers) pour soigner les malades revenus du combat, ou bien fatigués sur les chemins de pèlerinage.
Un escalier depuis l'entrée nous conduit à la surprenante salle des fresques, qui est un rajout du XVIIème siècle. C'est une pièce qui servait d'antichambre, où les invités patientaient avant d'être introduits dans les appartements de la commanderie. Elle fut entièrement peinte en 1637, du sol au plafond, avec une thématique portant sur les Vertus : l'allégorie de l'Espérance est représentée les mains jointes, la Foi avec une croix, et la Charité entourée de deux anges. Ces trois vertus théologales sont complétées par les quatre vertus cardinales dont seule la Prudence subsiste. Ce n'est que les années 1970 qu'on a découvert ces fresques, qui furent cachées d'un épais enduit lorsque la mode des scènes à fresque a été passée.
Vue d'ensemble de la salle des fresques.
L'Espérance, une des trois Vertus théologales.
Le Dortoir des moines est une vaste pièce médiévale remontant au XIVème siècle, et qui deviendra grenier à céréales au XVIème. Il y a encore les traces d'une cheminée, car les frères avaient ce privilège, la règle du Temple les autorisant également à se revêtir de peaux de mouton pour se réchauffer (les règles étaient moins strictes que pour des moines cisterciens par exemple). Chaque frère dormait sur une paillasse, avec un matelas et une couverture. Les fenêtres, très étroites, avaient une fonction défensive.
Vue d'ensemble du dortoir des moines, avec la reconstitution au sol des paillasses.
Il est difficile de quantifier le nombre de personnes qui vivaient dans cette commanderie. Ce que l'on sait, c'est que l'organisation était très hiérarchisée, ce qui n'est pas sans rappeler celle de la société féodale: sous le Commandeur se trouvaient deux chevaliers, qui s'offrent à l'Ordre avec tous leurs biens, chevaux compris. Les chapelains s'occupent de la chapelle et des offices religieux. Viennent les domestiques, les bergers, les cuisiniers etc... bref, pas mal de monde, une ville dans le village.
Autre vue du dortoir des moines.
La chambre des Capucins.
La plus vaste salle de la Commanderie est la salle d'honneur, qui était autrefois bien plus haute puisque le sol était au niveau de l'étage inférieur... C'est là qu'on prenait les repas et que le chapitre se réunissait une fois par semaine. Les repas se faisaient obligatoirement en silence, en écoutant les Saintes Ecritures et en partageant à deux la même assiette. La viande était autorisée à la consommation, là encore une différence avec les cisterciens.
La vaste salle d'honneur et ses croisées d'ogive du XIVème siècle.
Dernière curiosité à ne pas manquer enfin, à l'étage, au niveau de la chambre du Commandeur : l'Assommoir, une ouverture pratiquée au niveau du sol et qui permettait de lancer des projectiles sur les assaillants qui auraient décidé d'emprunter la porte principale (ici en l'occurrence la porte Saint-Jean). Cet assommoir fait partie intégrante du dispositif défensif mis en place au XVème siècle.
L'Assommoir depuis la chambre du Commandeur permettait d'assommer les ennemis depuis le haut.
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