A l'entrée nord du golfe du Morbihan, le site mégalithique de Locmariaquer est un des plus importants complexes archéologiques de Bretagne. La visite de ses trois monuments est d'autant plus intéressante que le musée qui l'accompagne est très bien fait, avec un petit film d'introduction qui vous permettra de comprendre l'essentiel de cette période phare de la préhistoire, tout en répondant à certaines questions que l'on se pose invariablement : comment nos ancêtres ont-ils fait pour bâtir de tels édifices, et, surtout, pourquoi ? Les trois édifices sont tous fascinants : le grand menhir brisé, qui fut le plus grand au monde, la Table des Marchands, une tombe couverte avec des pierres gravées, et le tumulus d'Er Grah, un monumental exemple d'architecture funéraire.
Le Grand menhir brisé était le plus grand au monde, avec ses 20 mètres de hauteur ! il a l'âge honorable de 7000 ans. Les pierres que l'on voit servaient à caler l'énorme mégalithe.
Nous sommes au néolithique, cette période de la préhistoire (avant l'invention de l'écriture donc) durant laquelle les hommes se sédentarisent pour devenir des éleveurs-cueilleurs. La taille des monuments dans la région de Locmariaquer témoigne d'une forte densité de population, avec une organisation sociale très hiérarchisée.
Trois monuments de cette période sont regroupés sur le site :
le grand menhir brisé d'Er Grah (numéro 1 sur le plan ci-dessous)
le tumulus d'Er Grah, malheureusement mal conservé et resté inconnu jusqu'en 1991 (numéro 2)
l'immense dolmen de la Table des Marchands (numéro 3)
l'entrée se fait au niveau du musée, avec la salle dans laquelle vous sera projeté le film d'introduction (numéro 4)
Plan d'ensemble du site, avec ses trois monuments ouverts à la visite.
le grand menhir brisé
C'est donc, nous l'avons déjà évoqué, le plus grand menhir au monde, mais il est malheureusement brisé en quatre morceaux, et au sol. Il mesurait plus de 20 mètres, et dépassait de plus de 18 mètres du sol une fois planté. Son poids est à la mesure de ses mensurations, avec 280 tonnes, ce qui laisse pantois quand on sait que les archéologues ont identifié son lieu d'extraction... à plus de dix kilomètres de là ! Précisons au passage que la roche utilisée est de l'orthogneiss, un gneiss magmatique fréquent sur les terrains cristallins, et souvent utilisé au Néolithique pour l'édification des mégalithes.
Il est déjà exceptionnel d'avoir côte à côte trois monuments de cette ampleur, mais le grand menhir n'était pas seul, puisqu'il était accompagné de 18 autres menhirs, comme l'ont révélé des fouilles. Ils étaient alignés et rangés selon leur taille, en un complexe agencement.
Mais pourquoi donc a-t-il été brisé ? Et quand ? A-t-il même jamais été debout ? Prosper Mérimée, qui était archéologue avant même d'être écrivain, se posait déjà la question, ne notant aucun éclat au niveau du monument qui pourrait laisser penser à une chute. Il interroge les habitants ; personne ne l'a jamais vu debout. La foudre ? toutes les hypothèses sont sur la table. On ne saura sans doute jamais, même s'il est possible qu'un tremblement de terre ait pu le faire basculer.
Vue d'ensemble des fragments du grand menhir.
Une gravure a été découverte sur l'un des blocs du menhir, mettant en scène un cachalot, associé à des bovidés ainsi qu'une hache. Les habitants ont certainement voulu illustrer le lien mythologique entre le milieu terrestre et le milieu aquatique, deux espaces qu'ils devaient arpenter dans leur ancienne vie de chasseur-cueilleur.
le tumulus d'Er Grah
A deux pas du menhir, voici l'immense tumulus d'Er Grah. Il s'agit d'une sépulture fermée qui devait, vu la taille, comporter de nombreuses tombes de personnages importants, des chefs de tribus ou des représentants d'un culte. Les archéologues font remonter l'ensemble à 4500 ans avant notre ère pour le coeur de l'édifice avec de petites fosses qui ont livré des ossements de bovins. Puis le tumulus a été agrandi au fil des siècles, la chambre funéraire centrale ayant été entourée de pierres sèches. Au total, le tumulus mesure tout de même 140 mètres de longueur ! Mais le monument est tellement abîmé qu'il était tombé dans l'oubli et dans les années 1960 il y avait même une aire de stationnement installée sur une partie du site ! Tous les murs de parement en pierres sèches ont été extraits plus tard par les archéologues.
Le tumulus dans le sens de la longueur.
la Table des Marchands
Tirant son nom d'une famille locale, ce vaste dolmen recouvert d'un cairn est le plus spectaculaire des trois monuments à Locmariaquer. Il remonte à environ 3800 ans avant notre ère. Un couloir souterrain de sept mètres de longueur conduit à une chambre funéraire. Ce n'est que depuis la restauration de 1991 que la Table des Marchands a retrouvé son aspect avec le cairn : auparavant, il n'y avait que le dolmen intérieur avec sa dalle reposant sur trois piliers. Ce monument, qui a été utilisé durant de nombreux siècles, possède deux dalles gravées de grande importance.
Vue extérieure de la Table des Marchands, remontée en 1991. Le couloir était toujours ouvert, ce qui permettait à l'époque d'entrer et de sortir et donc de réutiliser le monument, contrairement au tumulus voisin que l'on a évoqué plus haut, qui était entièrement fermé. Notez l'énorme pierre faisant office de linteau. Le cairn est monumental, avec un diamètre de 30 mètres, et est entièrement édifié en pierres sèches, sans utilisation, donc, d'aucun mortier.
Au fond de la chambre funéraire, la "dalle aux crosses", en grès, est décorée sur ses deux faces, avec, du côté intérieur, une représentation de la déesse-mère à la chevelure abondante, figurée par quatre rangées de crosses.
La seconde dalle gravée est au plafond et pèse 65 tonnes ! On y voit une hache polie, une crosse, et l'avant d'un bovidé.
Le couloir de sept mètres conduisant, au coeur du cairn, à la chambre funéraire. On devine l'immense dalle gravée avec ses crosses au fond.
Cette dalle de plafond a un secret : on a retrouvé sa partie manquante ! J'ai indiqué plus haut que la gravure ne représentait que la partie avant d'un bovidé. Or, l'autre partie a été retrouvée dans un autre dolmen, à quelques kilomètres de là, à Gavrinis. Les deux s'emboitent parfaitement, mais une troisième partie manque encore : peut-être la dalle qui devait servir à fermer le tumulus d'Er Grah ? Les archéologues ont une explication : ces trois morceaux devaient constituer un grand menhir d'une quinzaine de mètres de hauteur, qui était peut-être aligné avec le Grand Menhir évoqué plus haut, et brisé au sol. Cinq cent ans plus tard, les hommes l'auraient brisé pour réutiliser les pierres comme dalles pour les dolmens.
Dalle du plafond avec sa hache.
Dalle du fond, dite "aux crosses".
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France - le site mégalithique de Locmariaquer
Reviewed by RENOULT
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02 mars
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