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Extérieur de la basilique de Saint-Vital : le décor sobre de briques rouges ne laisse en rien présager de la magnificence des mosaïques de l'intérieur, comme c'est le cas de tous les monuments à Ravenne. On devine bien le plan octogonal de l'édifice. |
Justinien (527-565) fut le protagoniste de la période faste de l'empire byzantin, l'Age d'or du VIème siècle. Justinien, désirant retrouver la gloire et la splendeur de l'empire romain, a entrepris la conquête de la Méditerranée, dont cette partie de l'Italie avec Ravenne, qui deviendra la ville la plus importante du monde byzantin occidental, et la deuxième de tout l'empire. Voilà pourquoi les monuments y sont si fastueux : l'exarque, ou vice-roi, devait avoir tout le faste possible.
Ce sont donc les mosaïques qui ont fait la réputation de l'édifice. Un arc triomphal richement décoré sépare la chapelle de la partie centrale de l'édifice. Il est orné de médaillons représentant le Christ et les apôtres. On retrouve le Christ en majesté, debout, sur le cul-de-four de l'abside.
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La voûte du sanctuaire est composée de quatre parties séparées de larges frises de fleurs et de petits animaux. Les quatre frises se rejoignent au centre en un médaillon, porté par quatre Anges, sur lequel est représenté l'agneau mystique (qui désigne le Christ dans son rôle sacrificiel). |
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Le Christ en majesté de l'abside est représenté très juvénile, sans barbe, et entouré de deux anges ainsi que de Saint Vital sur sa droite, à qui il tend la couronne du martyre. Quant au dernier personnage sur sa gauche, c'est l'évêque Ecclesius, qui débuta la construction de l'édifice en 526. Il a d'ailleurs dans ses bras une maquette de la basilique, offerte par le Christ en personne. Aux pieds des personnages coulent plusieurs fleuves célestes. |
Entre la chapelle et le déambulatoire se trouvent deux ensembles de triple arcature mettant en scène des épisodes de l'Ancien Testament. | Sacrifice d'Abel et de Melchisédech |
| | Les trois Anges reçus par Abraham. |
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| Ensemble de l'abside avec la coupole peinte au XVIIIème siècle tout en haut. |
| | L'impératrice Théodora et sa cour, un des panneaux de l'abside. |
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Mausolée de Galla Placidia
Voilà un monument absolument fabuleux, d'autant qu'il ne paye pas de mine ! Pour tout dire, nous sommes passés devant sans le voir, mais en le cherchant... C'est minuscule au possible, d'une sobriété absolue, mais alors, une fois à l'intérieur...
Le petit édifice fut construit dans les années 430, et ses mosaïques font partie des plus anciennes de la ville, marquant un lien entre le style paléochrétien et byzantin. C'est à l'impératrice Galla Placidia qu'on le doit, mais elle n'est pas enterrée ici, contrairement à ce que le nom de l'édifice pourrait laisser supposer (les tombeaux furent introduits au XIVème siècle et Galla Placidia repose à Rome). En réalité, le minuscule édifice constituait à l'époque l'oratoire d'une église plus vaste, Santa Croce, aujourd'hui disparue.
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Le petit édifice mesure 13 mètres sur 10 environ et est construit en forme de croix latine. Le revêtement est en briques. Il était dédié à Saint Laurent, comme en témoignent des mosaïques à l'intérieur. Les pilastres en décoration reposaient sur des socles disparus aujourd'hui, suite à l'affaissement de plus d'un mètre cinquante au fil du temps. |
Les mosaïques intérieures sont incroyables. La voûte représente un somptueux ciel étoilé au centre duquel se trouve une croix accompagnée du chrisme (symbole du Christ). La croix est bien entendu un rappel de l'épisode durant lequel Constantin, lors d'une bataille, aurait aperçu le symbole de cette nouvelle religion dans le Ciel, précipitant sa conversion. Ce ciel, dont les étoiles vont en diminuant de taille vers le sommet, pour créer un effet de perspective, conduit dans les quatre angles au tétramorphe, la représentation des quatre évangiles.
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La voûte étoilée surplombe le mausolée. Les lunettes du dôme représentent des paires d'apôtres, dont Saint Pierre avec les clefs ou Saint Paul. Quant aux colombes, si souvent représentées dans les livres d'art sur Ravenne, elles symbolisent les âmes devant la source de la grâce divine. |
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La décoration au-dessus du portail d'entrée met en scène le Bon Pasteur, une représentation pastorale très familière à la pensée chrétienne à l'époque : un jeune homme portant sur ses épaules un mouton est même une image répandue dans le monde plusieurs siècles avant son adoption par l'Eglise. Pour les Grecs, c'était le criophorus, ou 'porteur de bélier'. C'est essentiellement dans un contexte funéraire que le Bon Pasteur est repris au départ, car le bélier des Grecs était utilisé comme offrande sacrificielle après un décès. Puis, le Berger a naturellement été remplacé par le Christ, et le bâton par une croix, comme ici. |
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Sur cette lunette, on voit le martyre de Saint Laurent, portant un croix sur son épaule droite et un livre en écriture hébraïque à sa main gauche. Il est tourné vers le gril, symbole de sa souffrance, et une armoire remplie d'évangiles. |
Galla Placidia était une impératrice romaine, fille de Théodose Ier. Elle est connue pour avoir été prisonnière des Wisigoths avant de devenir leur Reine, s'inscrivant dans la politique de rapprochement entre les Romains et les Barbares. Ce fut un échec avec la mort de l'unique enfant qu'elle eut avec le roi wisigoth Ataulf. Elle est certainement enterrée à Rome et non à Ravenne.
| Détails des voûtes avec des fleurs stylisées . |
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| Un cerf venant s'abreuver à la source. |
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| Un des tombeaux du mausolée. |
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| Vue d'ensemble de la lunette aux cerfs. |
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Piazza del Popolo
La place principale de Ravenne, très agréable, remonte au XIIIème siècle. On peut s'y reposer à la terrasse d'un café avant d'attaquer les autres merveilles de la ville. Deux hautes colonnes de granit y ont été élevées au XVème siècle, représentant les saints Apollinaire et Vital. Tout autour, beaux bâtiments civils.
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la Piazza del Popolo |
| Les deux colonnes sur fond de Palazzo Merlato. |
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| Autre vue de la place. |
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Baptistère des Orthodoxes
Appelé aussi Baptistère de Néon, un évêque du Vème siècle, il s'agit du plus ancien monument de la ville de Ravenne, et également un de ses plus spectaculaires ! Vous resterez sans voix devant (ou plutôt dessous) sa coupole incroyablement travaillée. On l'a surnommé "baptistère des Orthodoxes" afin de le distinguer de celui des Ariens, également à Ravenne, et édifié plus tard par le roi des Ostrogoths, nous y reviendrons plus bas. Ce monument a conservé la grande majorité de ses éléments de décoration intérieure du Vème siècle, du sol au plafond.
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Vue d'ensemble de l'incroyable coupole en mosaïques de ce baptistère octogonal, comme c'est de coutume à cette époque (le chiffre huit renvoyant aux sept jours de la semaine plus le jour de la Résurrection). |
Les mosaïques remontent au Vème siècle. Elles mettent en scène, au centre, le baptême du Christ par Saint Jean Baptiste dans les eaux du Jourdain, permettant au fidèle situé en-dessous de s'identifier à lui tandis qu'il répète les mêmes gestes. Sur le niveau inférieur viennent les douze apôtres. Si l'on descend encore d'un niveau, on arrive aux prophètes. Enfin, au niveau du sol, donc de la Terre, la cuve baptismale. Toute la décoration est donc très hiérarchisée verticalement.
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Vue d'ensemble du baptistère avec les différents niveaux, de la cuve à la coupole. |
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Le baptême dans les eaux du Jourdain est la scène principale de la coupole. Le Christ est plongé dans les eaux jusqu'à la taille, tandis que la colombe du Saint-Esprit vole au-dessus de sa tête. Le personnage sur la droite n'est autre qu'une représentation humaine du fleuve Jourdain, comme l'indique l'inscription au-dessus. |
| Vue rapprochée des douze apôtres. |
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| autre vue de la coupole |
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| détail de la décoration au-dessus des arches |
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| les apôtres |
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Chapelle archiépiscopale
Il s'agit d'un élément paléochrétien du palais épiscopal de la ville, tout petit, mais possédant de magnifiques mosaïques du VIème siècle, et donc également partie intégrante de la liste mondiale à l'Unesco. Cette chapelle était l'oratoire privé des évêques de ce début du VIème siècle. En forme de croix grecque, elle est dédiée à Saint André, et constitue le seul oratoire privé de cette époque conservé au monde.
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Seules les fresques sur les lunettes latérales ne sont pas d'époque bien entendu (XVIème siècle, Luca Longhi). Le reste est d'une harmonie parfaite : l'abside avec cette Croix du Christ en or sur fond de ciel étoilé, les médaillons des arches représentant le Christ et les apôtres, et, au centre de la voûte, le Chrisme soutenu par quatre Anges. |
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La mosaïque du vestibule représente un Christ en armes tenant un livre ouvert sur lequel on peut lire "Ego sum via, veritas et vita" (je suis le chemin, la vérité et la vie"). Il foule aux pieds les bêtes de l'hérésie. |
Tombeau de Dante
Non loin de là se trouve un tombeau illustre à la longue histoire, celui de l'écrivain le plus célèbre de Ravenne, et un des plus connus de tout le pays, Dante. Il a passé à Ravenne les dernières années de sa vie, avant d'y mourir en 1321. Le tombeau en lui-même n'a été érigé qu'au XVIIIème siècle, au-dessus d'une tombe préexistante : c'est un petit temple néoclassique surmonté d'une coupole, et qui accueille les ossements de l'écrivain, auteur de la fameuse trilogie de l'Enfer, du Purgatoire et du Paradis. Le bas-relief au-dessus du sépulcre date du XVème siècle et représente l'artiste pensif devant un pupitre. Enfin, la grande lampe votive alimentée en huile d'olive a été rajoutée au XVIIIème siècle.
| Vue d'ensemble du monument. |
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| Intérieur du tombeau. |
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L'histoire de la dépouille de Dante mérite la peine d'être contée. Dès le lendemain de la mort de l'artiste, son corps est placé dans le sarcophage actuel. Au XVème siècle néanmoins, les Florentins réclamèrent la dépouille de leur illustre habitant (Dante est né à Florence et y a passé la plus grande partie de sa vie). Michel-Ange lui-même se fait insistant, intercède auprès du pape Léon X, un Médicis, qui accède à sa requête et on ramène le sarcophage. Bon, par acquis de conscience, on fait soulever le couvercle et stupeur ! les ossements n'y sont pas ! En effet, des moines franciscains de Ravenne, considérant Dante comme un des leurs, avaient quelques jours auparavant brisé une partie de la sépulture pour cacher les restes de l'écrivain ! Les siècles passèrent, et les ossements étaient toujours secrètement dissimulés dans une porte murée non loin d'un cloître. C'est en 1865 qu'ils furent fortuitement exhumés lors de travaux de restauration, puis exposés au public avant d'être placés à nouveau dans le mausolée que l'on voit aujourd'hui. Mais ce n'est pas tout à fait fini : durant la seconde guerre mondiale, de peur que les bombardements ne détruisent le bâtiment, la dépouille fut enterrée durant un an sous un tumulus couvert de végétation, non loin de là, et que l'on voit encore de nos jours. Florence tentera bien encore de faire revenir les restes, mais en vain, et le tombeau que l'on voit à Santa Croce n'est qu'un cénotaphe vide. Dante a dû bien se retourner dans sa tombe en voyant de si grandes agitations...
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Le tumulus sous lequel Dante reposa durant la seconde guerre mondiale. Une plaque commémorative trône au sommet. |
Basilique Saint-Apollinaire-le-neuf
Reprenons le chemin des mosaïques. A l'Est de la ville se trouve un monument très important, la basilique Saint-Apollinaire-le-neuf, construite au début du VIème siècle sur l'ordre d'un roi ostrogoth, Théodoric le Grand, non loin de son palais, pour y célébrer le culte arien.
A l'époque de la domination des ostrogoths à Ravenne, c'est la doctrine arienne qui prédomine. On la doit à Arius, un théologien d'Alexandrie qui ne croyait pas en la Trinité chrétienne. Après Constantin, la plupart des empereurs étaient ariens, et les peuples germaniques se convertirent à cette doctrine.
Cette basilique a subi d'importantes modifications d'ordre religieux : originellement, elle était décorée de mosaïques illustrant cette doctrine arienne, mais l'évêque Agnellus ordonna leur destruction partielle, ne conservant que le cycle supérieur qui mettait en scène la vie du Christ, celle des Saints et des Prophètes. Pour le reste, on élimina la partie basse, sauf une vue du port de Classe, qui demeure intacte, ainsi qu'une vue du palais de Théodoric.
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Vue extérieure de la basilique Saint-Apollinaire-le-neuf, avec sa façade à galerie couverte construite en briques. On devine tous les trous de boulins (échafaudages en bois) laissés apparents lors de l'édification. Une fenêtre double en marbre domine la partie supérieure. Le campanile rond en briques également a une hauteur de 38 mètres, agencé de fenêtres simples, puis doubles, puis triples au sommet. |
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Vue d'ensemble de l'intérieur : un plan traditionnel à triple nef avec plafond à caissons. Les mosaïques sur trois niveaux sont situées de part et d'autre. L'abside fut détruite par un tremblement de terre durant lequel les mosaïques furent malheureusement perdues. |
Le cyle de mosaïques s'étage sur trois niveaux (voir photo du dessous):
- au registre supérieur, ce sont les scènes du nouveau Testament, montrant la vie du Christ, qui alternent avec des panneaux à deux colombes. Les mosaïques datent de l'époque de Théodoric, elles n'ont pas été détruites, car conformes à la doctrine chrétienne.
- au registre médian, alternance de larges fenêtres avec des Saints et des Prophètes, apparaissant en perspective sur un fond d'or.
- au registre inférieur, deux processions de Saints et de Martyrs, refaits à l'époque d'Agnellus. Mais, surtout, deux panneaux d'origine laissés intacts : le port de Classe, à deux pas de Ravenne, qui possède également une magnifique basilique que l'on verra plus bas, ainsi qu'une vue du palais de Théodoric.
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Le palais de Théodoric fait donc partie du registre inférieur, le plus aisément observable par les visiteurs. L'édifice est identifiable par l'inscription 'Palatium' sous le fronton. Le palais est vu en perspective dépliée, avec trois côtés mis bout à bout. Des rideaux blancs sont dépliés entre les colonnes et remplacent des personnages effacés, comme Théodoric et des membres de sa cour. Les colonnes blanches, en marbre, soutiennent des chapiteaux corinthiens. Au-dessus de chaque arc, des Anges tendent des festons de fleurs. Par-delà du palais sont représentés des bâtiments, dont certains circulaires, qui représentent symboliquement la ville de Ravenne. |
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Quant au port de Classe, dont on voit ici un morceau, il s'agit du second panneau conservé de l'époque des ostrogoths. Classis, ou Classe en français, est l'ancien port de Ravenne, de nos jours totalement ensablé dans les terres. Lieu stratégique en Méditerranée, c'était un des principaux ports de défense romains. Sur la partie gauche, trois navires superposés attendent sur une mer calme. Ils sont protégés par de hautes murailles qui se prolongent vers la droite, laissant apercevoir d'autres monuments qui dépassent. |
| Procession des martyrs. |
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| Procession des Vierges, registre inférieur, réalisées à l'époque byzantine. |
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Baptistère des Ariens
Ce minuscule monument, qui encore une fois ne paie pas de mine de l'extérieur, possède une coupole extraordinaire. Il fut édifié par le Roi des Ostrogoths, Théodoric, qui avait embrassé la religion chrétienne sous sa doctrine arienne. Les pratiquants de cette branche du christianisme avaient donc la possibilité de se faire baptiser dans leur propre lieu, comme les autochtones qui avaient le baptistère des Orthodoxes vu plus haut. Il fut converti en oratoire catholique après la condamnation de l'arianisme.
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L'extraordinaire coupole des Ariens met en scène un baptême du Christ. Dans le niveau inférieur, deux groupes d'apôtres, l'un mené par Pierre, l'autre par Paul, se dirigent vers un trône. |
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Détails du baptême, réalisé par Saint Jean Baptiste, en compagnie d'un Dieu païen figurant le fleuve Jourdain et dont la tête porte deux pinces de crabe. C'est de son outre de cuir que sortent les eaux du fleuve. Le Saint-Esprit, comme de coutume, est représenté par la colombe qui, de son bec, répand l'eau lustrale. |
| Procession des apôtres. |
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| Saint Pierre et Saint Paul se dirigent vers le trône. |
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Basilique Saint-Apollinaire in Classe
Comme nous l'avons vu précédemment, Classe était l'ancien port de Ravenne, mais est aujourd'hui ensablé. C'est une des églises basilicales primitives les mieux conservées. Elle est donc associée aux autres monuments de Ravenne pour son inscription au patrimoine mondial.
Trois nefs, comme de coutume, constituent l'intérieur, séparées par deux rangées de colonnes grecques surmontées de chapiteaux corinthiens. La tombe de Saint Apollinaire se trouve sous l'autel.
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La triple-nef de Saint-Apollinaire in Classe. |
| La sobre façade et son campanile du Xeme siècle. |
| | Vue latérale de la nef. Les médaillons en fresques sont du XVIIIème siècle. |
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L'abside est la pièce-maîtresse de la basilique. Elle représente une scène de transfiguration. Une immense croix sertie de pierres précieuses occupe la place centrale, sur fond de ciel étoilé. Au croisement des deux bras, on remarque un petit médaillon figurant la tête du Christ. Au sommet de la croix, le mot 'ichtus', le célèbre acrostiche chrétien. Au pied de la croix, 'salus mundi', le salut au monde. Au-dessus de cette immense croix apparaît, sortant des nuages, la main de Dieu, tandis que surgissent sur les côtés deux prophètes. Sous le médaillon, les trois agneaux dans la verte prairie renvoient aux apôtres Pierre et aux deux frères Jacques et Jean, qui assistaient Jésus lors de sa transfiguration (changement d'apparence corporelle de Jésus). Dans la partie inférieure enfin, les deux mains tendues vers le ciel, Saint Apollinaire se tient debout au milieu d'un pré fleuri, accompagné des fidèles (les douze agneaux). |
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