Commune de la Haute-Vienne, Oradour-sur-Glane demeurera à jamais synonyme de la barbarie humaine. Village martyr depuis qu'une division SS a massacré sa population le 10 juin 1944, il fut décidé à l'époque de le conserver tel quel en tant que lieu de mémoire, tandis que le nouveau village fut reconstruit juste à côté. La même question en somme que celle qui fut posée à Auschwitz : détruire pour oublier ou conserver pour se souvenir ? Conserver, donc, pour en faire, pour citer les mots de Louis Aragon dans son fameux hommage à Oradour, un lieu de pèlerinage vers de "nouveaux autels". La visite de ce site de silence est particulièrement émouvante, d'autant qu'elle débute dans le hall d'accueil par un long couloir sur lequel sont affichées toutes les photos des victimes. C'est en parcourant les noms, et les âges, que l'on mesure encore plus l'horreur de cette journée de 1944, avec des familles entières sur plusieurs générations exterminées sans pouvoir se défendre. Dans le village, en parcourant les ruelles de ce gros village qui n'en finit plus d'étaler ses anciennes maisons et commerces, jusqu'à l'église tout au bout, l'émotion est totale.
Une carcasse de voiture laissée à l'endroit même où elle se trouvait : le visiteur fait un saut brutal dans le sombre passé de cette journée fatidique.
Accueil du mémorial
le mur de portraits est particulièrement émouvant
Alors que s'est-il passé ce jour de 1944 ? Une troupe de SS revenait du sud-ouest de la France, où elle luttait contre des maquisards particulièrement actifs depuis le débarquement allié en Normandie. La veille déjà, le 9 juin, la troupe avait pendu 99 personnes à Tulle, qui venait d'être libérée par les Résistants. A Oradour, on ordonne à tous les habitants de se réunir sur la place du village pour une vérification d'identité, et même les personnes fragiles et malades sont traînées de force. Dans les hameaux voisins, on fait cesser les travaux des champs pour venir au village. Ceux qui refusent sont exécutés. Tous les hommes furent abattus et brûlés dans différentes granges du village. Quant aux femmes et aux enfants, c'est dans l'église qu'ils furent conduits, avant que l'édifice ne soit incendié. Une seule femme va survivre à ce massacre dans l'église, ce qui va constituer, pour cette pauvre femme qui a perdu toute sa famille, l'unique témoignage que l'on ait. Elle a réussi à briser une des trois ouvertures vitrées au-dessus de l'autel et à se jeter de l'autre côté. Au total, 643 victimes au cours de cette journée de barbarie.
Rue principale d'Oradour, avec les rails du tramway menant à Limoges.
Des restes de véhicules, mais aussi quelques éléments de mobilier, tout a été figé dans l'horreur.
La devanture d'un des garages d'Oradour.
Alors qu'il a toujours été question, après une guerre, de panser les plaies avant de reconstruire, pour la première fois en France, il est décidé pour Oradour de laisser en l'état le village martyr, et cela dès le mois de juillet 1944, afin de laisser la preuve de ce qu'il s'est tramé ici, et d'entretenir la haine qui en a découlé. C'est d'ailleurs le seul exemple dans le pays, puisque toutes les villes détruites par les bombardements ont été reconstruites. Il a fallu "fixer" l'usure naturelle de ces ruines, avec des résines, car sinon l'érosion et les mousses auraient vite eu raison de l'ensemble. Quant au nouveau bourg, c'est le président Vincent Auriol qui en posera la première pierre en 1947.
Le fameux panneau "Souviens-toi" ; la formule remonte à l'année 1945, un an après le massacre.
Autre pancarte remémorant l'Histoire d'Oradour.
Le centre de la mémoire, inauguré en 1999 à l'entrée du village, est le lieu de passage obligé. Très émouvant, comme déjà évoqué plus haut, il s'agit d'un musée et mémorial qui relate des nombreuses atrocités commises durant cette sombre période.
Les restes calcinés d'une maison, avec encore des ustensiles laissés là.
Le village en lui-même est bien entendu hors du temps, puisque tout a été laissé en l'état : boutiques, meubles, voitures dans les rues... tout participe à cette impression de rage indicible qui s'est abattue sur ce petit village. Enfin, pas si petit d'ailleurs, nous avons été frappé par la taille de ce gros bourg, et les plaques installées sur chaque devanture permettent de voir qu'il y avait beaucoup de commerces et de boutiques : garage, barbier, poste, école primaire... il y avait même un tramway régional conduisant à Limoges.
Quant à l'église Saint-Martin, devenue le symbole même de la barbarie, elle remontait au XIIème siècle.
L'église Saint-Martin, lieu du massacre des femmes et des enfants.
Intérieur de l'église. L'ouverture centrale fut l'échappatoire de la seule survivante.
Oradour n’a plus de femmes
Oradour n’a plus un homme
Oradour n’a plus de feuilles
Oradour n’a plus de pierres
Oradour n’a plus d’église
Oradour n’a plus d’enfants (...) Jean Tardieu, 1944
[full_width]
France - le devoir de mémoire d'Oradour
Reviewed by RENOULT
on
19 janvier
Rating: 5
Aucun commentaire: