Etats-Unis - la mission franciscaine de la Purissima
La Purissima, à Lompoc en Californie, non loin de Santa Barbara, fait partie de la longue liste des missions espagnoles franciscaines établies dès le XVIIIème siècle dans toute la région pour évangéliser les Amérindiens. C'est un pan important de l'histoire américaine, et aujourd'hui ces missions constituent les monuments les plus visités de l'Etat de Californie. Ils apparaissent dans de nombreux films, et celle de la Purissima demeure la plus complète, permettant au visiteur de se plonger dans cette période historique dont le bilan, nous allons le voir, reste mitigé.
Vue d'une partie de la mission de la Purissima, la onzième des vingt-et-une missions espagnoles créées dans ce qui allait devenir la Californie. |
Sommaire |
Histoire
Il a fallu 60 ans aux catholiques espagnols pour fonder un ensemble de 21 missions, entre 1769 et 1833, dans ce vaste territoire que l'on appelle aujourd'hui Californie. L'objectif était clair et affiché dès le départ : convertir les autochtones, par la force s'il le fallait, au catholicisme, et les faire devenir des citoyens coloniaux espagnols. Pour ce faire, de nombreuses missions furent fondées partout dans l'Amérique espagnole, de l'Argentine à la Californie, Haute (aujourd'hui la Californie) et Basse (cette longue péninsule, territoire mexicain). Chaque mission avait pour objectif de se suffire à soi-même, en devenant une structure autonome pour nourrir ses habitants, à une époque où la Californie était sauvage et éloignée de tout. Les pères fondateurs avaient besoin de bras, pour cultiver la terre et s'installer durablement. C'était le rôle des amérindiens convertis. L'église était toujours le premier bâtiment à être construit, le plus important. On essayait de conserver le traditionnel axe est-ouest afin de célébrer la messe face au soleil levant. A partir de là, les autres bâtiments utiles à la communauté pouvaient prendre place : habitations, cuisines, entrepôts... le tout la plupart du temps formant un immense rectangle.
La Purissima fut fondée en 1787 par le Père Fermin de Lasuen, qui baptisa plusieurs milliers d'indiens Chumash dans l'église. Plus d'une centaine de bâtiments en adobe furent élevés sur le territoire de cette vaste mission, et l'élevage de bétail constituait son activité principale. En 1812 malheureusement, un puissant séisme ravagea la Californie, laissant en ruines la plupart des édifices fraîchement édifiés. La Purissima n'y échappa pas, et le peu de maisons encore debout furent mises à terre par les répliques qui suivirent, ainsi que par des pluies diluviennes.
Le responsable d'alors eut l'autorisation de reconstruire la Mission, mais à quelques kilomètres de là, dans un endroit plus favorable pour avoir de l'eau douce, et juste en bordure du fameux Camino Real, la principale voie de circulation en Californie, le long de la côte. La mission repartit alors de plus belle, avec un millier d'indiens supplémentaires convertis. En plus de l'élevage, la Purissima était une école et un centre de formation pour les autochtones : ateliers de tissage, de poterie, de maroquinerie etc... en plus de toutes les activités religieuses bien entendu.
En 1834, c'est la fin de cette longue aventure religieuse, et ordre est donné de séculariser toutes les missions. Les terres doivent être partagées entre les habitants et la mission est revendue, mais redevient vite une immense ruine. Ce n'est qu'un siècle plus tard, en 1934, que les bâtiments furent remontés comme à l'origine. Le mobilier présenté aux visiteurs est authentique et permet de s'imaginer à l'époque de cette évangélisation massive.
L'immense galerie qui longe les bâtiments. |
Limites
Les limites du système...Il n'est pas possible d'évoquer ces missions sans parler du sort réservé à ces pauvres indigènes que l'on a voulu évangéliser de force... ces colonies créées par les espagnols du Nouveau Monde devaient assimiler totalement les populations locales à la culture européenne et à la religion catholique, et ce depuis 1531, par une décision papale qui donnait le droit aux espagnols de posséder toutes les terres et leurs habitants de ce territoire des Indes. Les indiens étaient réinstallés de force autour des missions, et "réduits" de tout ce que les espagnols jugeaient inadapté à une vie "civilisée". Les missionnaires ont d'abord attiré les autochtones par des dons de nourriture ou d'étoffes. Une fois baptisés, ils devenaient "néophytes" (dans le sens religieux : celui qui se convertit au catholicisme). Dès lors, ces pauvres indiens étaient pris au piège, forcés de rester dans la mission pour se consacrer aux travaux. Ils n'étaient plus libres de circuler dans le pays. Des opérations de ratissage ont d'ailleurs été menées par des milices catholiques pour aller chercher des fugueurs.Le bilan humain fut catastrophique : si on estime à 55 000 le nombre d'indiens convertis et baptisés durant la période des missions, les espagnols en ont également enterré environ 40000... Des maladies amenées d'Europe, comme la rougeole, ont décimé les populations, si bien que les missionnaires devaient aller chercher sans arrêt de nouvelles âmes à convertir...
Une des deux chapelles de la mission. |
Une journée type
La journée type débutait au lever du soleil avec la messe, avant une formation sur la religion catholique. Après le petit déjeuner, on assignait à chacun, femme et homme, les tâches de la journée. Pour les femmes, cela peut varier entre le tissage, la broderie, le blanchiment ou la cuisine. Pour les hommes, des travaux dans les champs ou la construction de maisons en pisé. La journée de labeur, de 6 heures, était interrompue par le repas à 11 heures suivi d'une sieste de deux heures, invariablement. A bien des égards, on était assez proche d'une exploitation d'esclaves. Les colons usaient de la force pour se faire respecter, car ils étaient en infériorité numérique, et les autochtones ne recevaient aucun salaire à la fin de leur journée. Du point de vue de nombreux historiens, la perte de la culture des indiens natifs de Californie est en grande partie à mettre sur le compte de ces missions. Ces colons n'ont jamais été capables, ou bien n'ont jamais voulu faire l'effort de comprendre l'Autre, et leur culture différente.
Ci-dessous, d'autres photos des intérieurs, montrant le mobilier authentique de cette mission. De nombreux ateliers étaient aménagés pour les travaux manuels. On peut aussi y voir des chambres ou des cuisines.
Etats-Unis - la mission franciscaine de la Purissima
Reviewed by RENOULT
on
25 novembre
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