Capitale historique de la Castille, perchée sur un plateau battu par les vents d'hiver, Burgos est une étape culturelle intéressante du nord de l'Espagne. Surtout, pour les amateurs d'architecture religieuse, c'est même une étape obligatoire pour aller admirer sa merveille : la cathédrale, inscrite depuis 1984 au patrimoine mondial de l'humanité de l'Unesco. Disons-le tout de suite : autant nous n'avons pas du tout trouvé à Burgos le charme d'autres villes de Castille, autant sa cathédrale nous aura laissé un souvenir mémorable ! Parmi le nombre considérable d'édifices religieux que nous avons eu l'occasion de visiter en Europe, celle-ci restera comme un des plus spectaculaires. En fait, la cathédrale de Burgos mérite le voyage à Burgos. On sent à l'intérieur de ses murs toute l'Histoire se dérouler, et vous serez émerveillés par la richesse de ce vaisseau de pierre. Mais nous débuterons la visite de la ville par un autre édifice religieux situé en périphérie, le monastère de Las Huelgas.
L'incroyable croisée de la cathédrale de Burgos donne le tournis, avec sa lanterne étoilée culminant à 54 mètres de hauteur, et sous laquelle se trouvent les tombeaux de Rodrigue et de Chimène, les enfants du pays.
Nous sommes donc en Castille, au "pays des châteaux" comme l'étymologie l'indique. Si les lieux sont occupés depuis la Préhistoire (il y a un chouette musée de l'Evolution en ville, ouvert en 2010, que nous avons visité et qui retrace les grandes étapes de l'installation de l'Homme dans la région), Burgos fut fondée au IXème siècle comme avant-poste de l'expansion chrétienne voulue par Alphonse III le Grand pour repousser les Berbères qui occupaient la région. On surnommait alors la ville Caput castillae, ou "Tête de Castille". Burgos a très tôt constitué une étape essentielle sur le chemin de Compostelle et fut le lieu de prédilection des rois de Leon et de Castille.
C'est un édifice de très grande importance situé aux portes de la ville, fondé par la congrégation des moniales cisterciennes de San Bernardo au XIIème siècle, sous l'impulsion du roi Alphonse VIII de Castille et de son épouse Léonor d'Angleterre. Il fut édifié sur un terrain agricole plat, non loin de la rivière Arlanzon. Ce projet tenait beaucoup à la reine, qui souhaitait voir un lieu dans lequel les femmes atteindraient le même niveau de commandement et de responsabilité que les hommes lors de leur vie de moniale. Une fois les formalités terminées (accords du pape et de Cîteaux en France, la mère des abbayes cisterciennes), la construction put débuter. Les premières moniales sont arrivées de Navarre, où existait déjà la toute première abbaye de cet ordre dans la péninsule. Preuve de la grande influence de Huelgas, de nombreux Rois se firent couronner en ses murs, comme Alphonse XI. D'autres grands personnages devinrent chevaliers. Il servit de panthéon, mais de nombreuses tombes furent dévalisées durant la guerre d'indépendance espagnole. De nos jours, le monastère est toujours en activité, géré par des religieuses cisterciennes, avec une dizaine de salles dédiées au repos et à la spiritualité. Les visites sont obligatoirement guidées à heure fixe.
Vue extérieure du monastère las Huelgas, qui ressemble autant à une forteresse qu'à un édifice religieux.
L'architecture de l'édifice est complexe et constituée de multiples ajouts au fil des siècles. L'intégralité du complexe était muré avec deux portes. La partie la plus ancienne remonte au XIIème siècle avec le petit cloître magnifiquement travaillé, de style roman, connu sous le nom de Claustrillas.
Le cloître San Fernando fut construit au XIIIème siècle. Les galeries ouvertes possèdent des voûtes en berceau.
Quant à l'église, elle suit le plan cistercien habituel avec trois nefs. L'ensemble labyrinthique est assez immense !
Le délicieux petit cloître, ou Claustrillas, constitue la partie la plus ancienne du monastère, fondé en 1187. C'est ici que les moniales venaient trouver le silence propice à leurs méditations. Douze arches reposent sur une série de doubles piliers magnifiquement décorés, d'un style entre le roman et le gothique. Notez les motifs floraux stylisés.
Cloître San Fernando
Eglise
Eglise
Eglise
Claustrillas
Claustrillas
La salle capitulaire du cloître San Fernando possède de belles voûtes élancées qui apportent une hauteur remarquable, permettant aux vitraux d'apporter de la lumière. Quatre supports centraux les soutiennent.
Burgos - ville
La ville en elle-même, outre la somptueuse cathédrale dont on parlera plus loin, possède quelques monuments dignes d'intérêt. A commencer par l'arche de Santa Maria.
Il s'agit de l'une des douze anciennes portes médiévales qui reliait le pont de Santa Maria, sur la rivière Arlanzon, et la place del Rey San Fernando, sur laquelle trône la cathédrale. Cette spectaculaire porte en calcaire remonte au XVIème siècle et fut conçue comme un arc de triomphe monumental surmonté de créneaux rappelant un château. Six niches occupent la façade : elles représentent six personnages importants de la ville, dont le Cid et l'empereur Carlos IEr. Le tout étant surmonté de la Vierge Santa Maria, patronne de la ville.
Arc de Santa Maria.
Statue équestre du Cid
Il est impossible d'évoquer Burgos sans parler du Cid, dont la ville regorge d'hommages. Ce personnage historique, ayant inspiré Corneille pour sa pièce éponyme, a bel et bien vécu à Burgos, au XIème siècle, et fut un des héros chrétiens de la Reconquista. Capitaine de Sanche II, premier roi de Castille, le Cid, de son vrai nom Rodrigo Diaz de Vivar, s'est illustré au combat pour obtenir le nom de Campeador, le "vainqueur de batailles". Il épousa en 1074 Chimène avant d'être banni quelques années plus tard par le nouveau Roi qui craint son ambition. Contraint à l'exil, il se met au service d'un émir de Saragosse. Ce sont les musulmans, auprès desquels il combat désormais, qui le surnommeront le "Sid", ou "seigneur" en arabe. Il s'emparera de Valence, sur laquelle il régnera jusqu'à sa mort. Réputé invaincu, il fera vite l'objet d'une véritable légende et les deux tombeaux de son épouse et de lui sont visibles dans la cathédrale de la ville.
La Casa del Cordon est peut-être la plus belle demeure civile de la ville. Il s'agit d'un palais du XVème siècle. Elle tire son nom de la corde reliant deux boucliers, gravée au-dessus de la porte principale. Une corde ou une chaîne indique qu'un Roi a dormi dans une demeure. Parmi les nombreux événements historiques ayant eu lieu entre ses murs épais, celui de 1497 est le plus célèbre, et il est mentionné dans un cartouche gravé dans la pierre : au retour de son deuxième voyage en Amérique, Christophe Colomb fut reçu ici par les Rois Catholiques.
La célèbre façade de la Casa Cordon, avec la porte principale sur la droite, surmontée des deux boucliers, de la corde, et de la figure du soleil.
Une porte qui en impose...
Patio de la Casa Cordon, aujourd'hui... une banque !
Une plaque évoque la venue de Christophe Colomb.
Arc de Fernand Gonzales
Plaza Mayor
la cathédrale
On est venu pour elle, et on a bien eu raison ! Suivant le modèle gothique français, la cathédrale de Sainte-Marie, classée à l'Unesco, fut érigée à partir de 1221, avec des ajouts et modifications qui ont perduré jusqu'au XVIIIème siècle.
Sa façade impressionne, en calcaire blanc étincelant. Elle est inspirée des grands vaisseaux gothiques comme ceux de Paris ou de Reims. Trois portes s'ouvrent dans la partie basse : la porte royale, dite du Pardon, au centre, flanquée de celles de l'Assomption et de l'Immaculée. La rosace de style cistercien domine les portes, et plus haut, un élégant ensemble de flèches et de clochetons.
La belle façade de la cathédrale.
Extérieur de la cathédrale. On voit bien la magnifique lanterne dominant, au centre, la croisée.
La porte du Sarmental est celle par laquelle les visites se font (photo ci-dessous). Elle s'ouvre sur la place, à l'extrémité du transept Sud. Faite dans le plus pur style gothique classique, elle remonte aux années 1230. Sa décoration s'inspire largement de la cathédrale d'Amiens. Jésus est assis en Pantocrator montrant dans sa main gauche les livres de la loi, entouré des quatre évangélistes représentés et par leur corps se penchant sur un pupitre, et par leur animal qui les représente, le tetramorphe. Ce beau tympan est entouré de trois archivoltes mettant en scène 24 personnages de l'Apocalypse accordant des instruments médiévaux, mais aussi un cortège d'Anges.
Tympan de la porte du Sarmental.
L'intérieur surprend par sa taille et son organisation en trois nefs. De nombreuses chapelles et annexes furent érigées au fil des siècles. La cathédrale originelle est en forme de croix latine, de 84 sur 59 mètres avec un déambulatoire embrassant les trois nefs.
Une des nombreuses chapelles.
La chapelle principale termine la nef. Elle est dans le plus pur style gothique français, et fut achevée au XIIIème siècle. Quant au gigantesque retable (photo ci-dessous), il fut réalisé durant la Renaissance par deux frères, entre 1562 et 1577. La prédelle du bas représente plusieurs scènes comme une Cène. Quant aux espaces séparés par des colonnes, ils mettent en avant la protectrice de la cathédrale, Sainte Marie, représentée assise, l'Enfant dans ses bas et flanquée de chérubins.
Chapelle principale.
La chapelle la plus spectaculaire est sans aucun doute la principale, dans l'axe du choeur, de l'autre côté du démbulatoire : la chapelle du Connétable, de style gothique flamboyant, qui est une chapelle funéraire (photo ci-dessous). Le plus fascinant dans cette vaste salle, c'est la voûte ajourée et étoilée, amenant la lumière.
chapelle du Connétable
Magnificence des voûtes.
Et voici d'autres photos de cette magnifique cathédrale.
A noter :
- l'escalier d'or (photo 3) permet de compenser avec beaucoup d'ingéniosité la différence de niveau due à la topographie du terrain ; les marches conduisent en effet à une porte amenant à l'extérieur, 8 mètres plus haut. L'architecte français Charles Garnier s'en est inspiré pour réaliser son grand escalier de l'Opéra de Paris.
- les restes de Rodrigue, le Cid, et de Chimène (photo 4) ont été transférés despuis le monastère San Pedro de Cardena en 1921 et furent placés ici, sous une simple plaque de marbre, après une cérémonie officielle.
- le coffre du Cid (photo 11) renvoie à une légende autour de Rodrigue, une fois exilé par son souverain Alphonse VI. Comme il avait besoin d'argent pour partir loin et longtemps, il sollicita un prêt auprès de deux argentiers juifs de la ville. Comme gage de son remboursement qui devait être effectué au bout d'un an, il leur laissa deux magnifiques coffres lourds et bien cadenassés, censés contenir toutes ses richesses. Ils ne devaient pas les ouvrir avant un an... Le délai passé, et ne voyant pas le Cid revenir, les deux juifs l'ouvrirent et ne trouvèrent que sable et grosses pierres...
1 - Plafond étoilé de la chapelle de la Présentation (XVIème)
2 - Déambulatoire.
3 - Escalier d'Or (XVIème) pour rejoindre la porte de la Coroneria.
4 - Tombe de Rodrigue, le Cid, jouxtant celle de Chimène.
5 - Stalles en noyer du choeur (XVIème)
6 - Relief du déambulatoire : le chemin au Calvaire, en calcaire.
7 - Tombe de Fernandez de Velasco, chapelle du Connétable.
8 - Cloître inférieur.
9 - Salle capitulaire avec son plafond d'arabesques
10 - Chapelle de Santa Catalina (XIVème) avec voûte en ogives.
11 - Coffre du Cid.
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Espagne - Burgos, patrie du Cid
Reviewed by RENOULT
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26 novembre
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