Parmi la multitude de gorges que recèle le Maroc, celles du Dadès arrivent sans doute dans le peloton de tête. La rivière, longue de 350 kilomètres, dégringole des montagnes de l'Atlas pour venir se jeter dans le Draa, au bord du Sahara. La route qui serpente au pied des falaises ocre est sensationnelle et offre des vues saisissantes sur les inventions géologiques sans bornes qui font la réputation des gorges ! Et puis, au-delà du paysage qui vaut le voyage en soi, il y a ces kasbahs en terre, parfaitement intégrées à la roche, sur ce parcours que l'on surnomme d'ailleurs "la route aux mille kasbahs". Plongeons donc dans ces roches qui nous ramènent longtemps en arrière, au Jurassique plus précisément.
une kasbah se dresse majestueusement dans la vallée, s'intégrant parfaitement au paysage
Cette vallée que l'on peut prendre à partir de la ville de Boulmane, carrefour berbère situé à 1700 mètres d'altitude, remonte à une période géologique appelée le Jurassique. Commençons par revenir rapidement sur sa formation.
Lors du Jurassique, il y a 200 millions d'années, l'océan occupait toute cette zone et est venu recouvrir des roches bien plus anciennes. Le climat étant tropical, de vastes zones coralliennes se sont établies sous la mer. Avec le temps, les sédiments se sont compactés pour former des roches sédimentaires comme le grès et le calcaire. Comme toujours ensuite, ce sont les mouvements des plaques tectoniques qui ont joué leur rôle : l'Afrique s'étant retrouvée dans une trajectoire de collision imparable avec l'Europe, les animaux présents - ce devait être un chouette spectacle !- ont pu assister à la création de longues chaines de montagnes sur les deux continents, dont le Haut-Atlas en Afrique. Si bien que tous les coraux et éponges qui habitaient leur récif corallien se sont retrouvés embarqués dans un ascenseur certes lent, mais inexorable, qui les a conduits au sommet des montagnes ! L'eau de la rivière Dadès a forgé sa route dans ces paysages rocheux et, avec le temps (et les intempéries hivernales qui transforment un simple filet d'eau en un torrent dévastateur et efficace en érosion) a donné les somptueuses gorges que l'on voit aujourd'hui.
Par endroits, les gorges deviennent très étroites, ou bien s'élargissent, au gré de la dureté des roches, certaines résistant mieux que d'autres au travail de sape de la rivière. Ici, la route serpente sévèrement pour sortir temporairement du lit du cours d'eau, qui devient plus loin encore plus étroit et donc infranchissable.
Les kasbahs
Toute la vallée, et plus particulièrement le début, est habitée, et ce depuis des temps immémoriaux, car le débouché des gorges constituait un lieu de transhumance important pour de nombreuses tribus berbères de la région. En effet, il faut ramener les troupeaux à la fin de l'été et les faire descendre des pâturages du Haut-Atlas pour qu'ils rejoignent la zone du Djebel Saghro au Sud.
Ville de Boulmane-Dadès à l'entrée des gorges, au Sud.
Un petit village au début des gorges.
Parmi les éléments d'habitation, ce sont les kasbahs qui retiennent toute l'attention du voyageur. Elles sont souvent en ruine, mais certaines ont été parfaitement restaurées et ont retrouvé toute leur splendeur.
On appelle kasbah une citadelle défensive berbère. La kasbah (que l'on peut écrire également casbah) a donc une fonction militaire. Mais, par extension, elle désigne également le coeur d'une ville historique d'Afrique du Nord, qu'il soit fortifié ou non, l'équivalent finalement de la médina. Le mot "kasbah" provient de l'arabe et signifie "roseau", car ce végétal, économique et léger, était abondamment utilisé pour la confection des toitures (les ruelles des villages sont souvent intégralement recouvertes de roseaux pour amener un peu de fraîcheur).
Une kasbah à gauche, une des innombrables de la vallée, domine le lit de la rivière, bien vert, tranchant avec l'aridité des montagnes environnantes.
la route asphaltée se fraie un chemin parmi le rouge vif de la roche
Pourquoi ces roches rouges ?
Que de rouge que de rouge ! Les roches sont pour la plupart rouges, donc également les maisons et les kasbahs qui utilisent le matériau sur place. Le tout concourt à une parfaite intégration de l'habitat dans le paysage. Mais pourquoi les roches sont-elles si rouges, au final ? Le responsable se nomme oxygène, celui qui était présent au moment de la formation de la roche en question. Mais pour que l'oxygène oxyde une roche, il faut aussi du fer. Une roche calcaire restera blanche si elle ne possède pas de fer. Si la roche contient du fer et se retrouve exposée à un milieu oxydant, alors elle sera rouge (elle sera verte si elle contient du fer MAIS qu'elle est soumise à un milieu réducteur, c'est-à-dire sans oxygène). Voilà pourquoi on ne trouvera jamais de roches de couleur rouge parmi les plus anciennes roches de la Terre : elles ont été formées à une époque où l'oxygène n'existait ni dans les océans ni dans l'atmosphère. Il faut attendre l'épisode dit de la Grande Oxydation il y a 2,4 milliards d'années pour que l'oxygène nouvellement apparu fasse son action sur les roches.
Les couleurs jouent et se multiplient ; le Dadès offre des visions splendides !
Un des nombreux villages de la vallée.
une kasbah
autre village
Rando Doigts de singe
Si l'asphalte vous agace et que vous souhaitez enfiler une paire de chaussures de rando, sachez qu'il y a plusieurs sentiers possibles dans la vallée. Nous avons opté pour un parcours dans un endroit remarquable où la géologie a été d'une invention sans limite : les "doigts de singe". Mieux vaut se faire accompagner par un gamin du coin, comme ce fut notre cas, car si l'entrée de l'étroit canyon est facile à trouver, il en est tout autrement pour la sortie, et si vous la manquez (franchement trop difficile seul de repérer l'échappatoire), vous en avez pour des heures ! En tout cas, c'est magnifique ! L'érosion a façonné la roche en gros blocs qui peuvent évoquer bien des choses, peut-être des doigts de singe mais peut-être tout ce que votre imagination voudra bien voir. Prévoir de l'eau, des chaussures adaptées à l'eau car parfois, il n'y a pas le choix, il faut marcher dans les vasques.
La zone des doigts de singe, c'est cet ensemble insensé de pâte à modeler à l'arrière-plan du village : le canyon se faufile au milieu de tout ça, en suivant une faille sur des kilomètres. Impressionnant !
Parfois le canyon se fait plus large.
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Maroc - Vallée du Dadès
Reviewed by RENOULT
on
11 septembre
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