Turquie - la Cappadoce, la géologie en fête
La Cappadoce ! Ce nom fait
rêver depuis tant de siècles !
Décrite par les plus grands,
comme Hérodote, elle
correspond à une région
d’environ 15 000 km² autour
de Nevsehir. Dans la tête de
tous, la Cappadoce, ce sont
les cheminées de fée, vestiges
d’une remarquable érosion
sur un sol volcanique. Ce sont
aussi des cités souterraines,
des habitations
troglodytiques, des églises
rupestres aux couleurs
rutilantes… Afin de bien
découvrir la région, nous
visiterons la Cappadoce en
trois étapes distinctes, et en
trois dimensions : rien de
mieux pour commencer que
de prendre de la hauteur et
de s’offrir un tour du propriétaire en montgolfière… Deuxième étape : à partir du plancher des vaches, à la découverte des villages
typiques et des nombreuses vallées, ainsi que des églises rupestres de Göreme. Enfin, en s’enfonçant sous le sol pour visiter une des
cités souterraines qui permettaient à la population de se réfugier en cas d’invasion barbare.
Bienvenue dans un pays magique…
Sommaire |
la Cappadoce vue du ciel : comment tout cela s’est-il formé ?
Commençons donc notre petite visite en prenant de la hauteur. Cela permettra, aux premières lueurs du jour, d’avoir une vision
d’ensemble de la région et de comprendre sa formation géologique. La montgolfière se révèle le moyen idéal ! Nous profitons donc de l’opportunité pour sauter dans la nacelle. C’est la première fois que nous utilisons ce moyen de transport, et on va ici faire
une digression sur ce génial ballon et son fonctionnement (pour l’envol, allez directement un peu plus bas… ) A gauche, Vero
devant l’enveloppe ; à droite, le brûleur en action.
trois parties constituent une montgolfière... 1) l’enveloppe : si les frères Montgolfier, inventeurs de l’engin, avaient utilisé du papier et du tissu (!!), aujourd’hui on est passé au nylon ou polyester qui sont enduits pour protéger des rayons UV et limiter la fuite de l’air chaud. Il faut jusqu’à 24 000 mètres cubes de gaz pour soulever un ballon de 45 places, record mondial ! Si le remplissage de l’enveloppe par l’air chaud est assez long, son vidage est rapide grâce à un système de soupape au sommet qui s’ouvre à l’atterrissage pour libérer l’air chaud. 2) le brûleur : il délivre sous l’enveloppe une longue flamme de 5 à 6 mètres ! (on l’a vérifié, ça chauffe le dos…). Du propane liquide contenu dans des bouteilles circulaires l’alimente. C’est la flamme qui réchauffe l’air, permettant l’ascension du ballon. 3) la nacelle : en osier ou en rotin, ce qui offre une bonne souplesse pour les atterrissages difficiles.
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1 - l’enveloppe commence à faire soulever la nacelle : il est temps de monter !
2 - notre sympathique pilote aux
commandes du brûleur
mais comment volent-elles ? Tout simplement grâce à Archimède et son principe que tout écolier apprend par coeur… En étant chauffé, l’air contenu dans l’enveloppe se dilate et sa masse volumique diminue. L’air chaud prend plus de place pour le même poids, ou pèse moins lourd pour le même volume que l’air froid. Et donc, cet air monte ! (dans une pièce, il fait toujours un peu plus chaud vers le plafond qu’au sol). En chauffant l’air donc, on diminue le poids total du ballon, qui peut flotter dans les airs. Pour descendre c’est l’inverse, il faut libérer de l’air chaud et injecter de l’air froid.
Après quelques minutes d’un décollage en douceur, nous voici donc comme des oiseaux à survoler la Cappadoce. D’où vient ce
nom au fait ? Ce sont les Perses qui lui donnent le nom de Katpatuka (« le pays des chevaux de race »), qui deviendra Cappadoce.
La région a connu toutes les occupations possibles, depuis les Hittites jusqu’au christianisme. La photo panoramique ci-dessous est
prise au niveau de Göreme.
et très vite la magie opère…
Comment tout cela s’est-il formé ? Tout débute il y a fort fort longtemps, dans un royaume fort fort lointain… Les responsables (un bonheur pour nous autres touristes bipèdes…) sont trois : Erciyes, Hasan et Göllüdag. Ce sont des volcans (on voit l’Hasan sur la photo ci-dessous, avec ses plus de 3000 mètres). Ces trois compères entrèrent en éruption durant huit millions d’années, du miocène supérieur au pliocène (il y a 2 millions d’années). Des couches de cendres se sont donc superposées, plus ou moins denses (surtout des ignimbrites, donc issues de coulées pyroclastiques). A lui seul, le volcan Erciyes actuellement au-dessus de la ville de Kayseri – recouvrit sous une hauteur de 200 à 500 mètres plus de 10 000 km² !!
volcan Hasan
Et puis le temps suivit son cours… A l’ère quaternaire, c’est le refroidissement, et la couche de basalte se lézarde, permettant à l’eau
de s’infiltrer dans des micro-fissures, et d’accentuer l’érosion. A partir de là, toutes les formes sont possibles, tout dépendant de la
résistance du matériau : le tuf (roche résultant de la consolidation de débris volcaniques, généralement de taille inférieure à 4 mm,
sous l’action de l’eau). Si le tuf est très tendre, il se désagrège totalement pour former une plaine poussiéreuse (comme au pied du
volcan, toujours sur la photo ci-dessus). Sur les reliefs pentus et plus durs en revanche, toutes les formes sont possibles, et la
Cappadoce prend son côté magique ! : canyons, mesas (plateau érodé), pitons, cônes, et bien sûr les plus célèbres, qui font la
réputation de la région, et qui ont pour l’immense majorité d’entre elles été habitées : les cheminées de fées (très bel exemple vu de
la montgolfière sur la photo ci-dessous).
Ces colonnes naturelles ont un sommet composé d’une couche de protection (ici une grosse pierre plus dure)
bien plus résistante à l’érosion. Ce casque de protection évite l’érosion des couches friables positionnées en
dessous tandis que les couches voisines disparaissent au fil du temps. C’est en Cappadoce qu’on en trouve les
plus beaux exemples !
Bon, on discute on discute, mais la montgolfière file dans le soleil du matin… alors silence, ça
tourne !…
Uchisar, un village traditionnel
Retour sur le plancher des vaches ! Maintenant que nous avons pris connaissance d’une vue d’ensemble, allons rendre visite à
quelques localités. Et pour commencer, le typique village d’Uchisar (photo ci-dessous). Son nom signifie « trois rochers » ; il
est célèbre par son immense piton rocheux que l’on voit à gauche et qui domine, plus que le village, la Cappadoce entière,
puisqu’avec ses 1300 mètres, cette proéminence volcanique est le point culminant de la région. Il est constellé de trous, autant
d’habitations datant de la période hittite (1500 av. JC).
panoramique Uchisar
Certaines habitations ont été parfaitement restaurées et transformées en petits hôtels de charme…
3 - vue depuis le village
4 - depuis une habitation
troglodytique
A l’intérieur d’une habitation troglodytique…
Maison troglodytique, avec les cheminées des poêles qui dépassent…
Ortahisar
Autre petit village traditionnel, Ortahisar est situé à quelques kilomètres seulement d’Uchisar et s’organise de la même façon,
autour de son piton volcanique.
panoramique Ortahisar
Vallée de Devrent
La belle vallée de Devrent rejoint Urgüp depuis Zelve et offre encore de somptueuses formations géologiques, comme le
fameux dromadaire (cidessous à gauche).
panoramique vallée de Devrent
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les trois Grâces d’Urgüp
A l’ouest du village d’Urgüp, trois grosses cheminées de fée (voir plus haut pour les explications, quand la montgolfière était
en l’air…), surnommées les trois Grâces, dominent le paysage environnant.
les cheminées de fée
la Cappadoce et ses milliers de soldats !
la « vallée des phallus »
Cette vallée a un nom suffisamment explicite pour ne pas avoir à rajouter le moindre commentaire…
la vallée des phallus
Göreme, la Cappadoce historique
La Cappadoce est également un témoignage historique inestimable. Dans cette région en effet, à partir du IVème siècle de
notre ère, des chrétiens de l’époque byzantine post-iconoclaste creusèrent la roche pour y loger églises, monastères,
habitations… Nous expliquerons plus bas ce qu’est la période iconoclaste, fondamentale pour comprendre les peintures rupestres
dans les monuments religieux. La Cappadoce est donc truffée d’églises, et c’est à Göreme que les mieux conservées se trouvent,
certaines fermées au public pour des raisons évidentes de conservation, d’autres ouvertes. L’ensemble est classé au patrimoine
mondial de l’Unesco. C’est Saint Basile de Césarée qui donna l’impulsion pour les installations des communautés religieuses. Le
site fut occupé jusqu’au XVIIIème siècle.
être iconoclaste ou ne pas être... Visiter plusieurs églises de Göreme permet d’être témoin d’un événement fondamental dans l’histoire du christianisme, et plus généralement de la peinture religieuse. On remarque vite, en effet, pas besoin d’avoir fait les Beaux Arts, que certaines églises sont très richement décorées, avec de magnifiques fresques très réalistes, représentant des scènes de la vie de Jésus et autres, tandis qu’à quelques mètres de là, on entre dans une autre église qui ne comporte que des dessins naïfs, avec seulement des signes (croix, arabesques…). Et bien la Cappadoce, comme tout l’empire byzantin d’ailleurs, a connu, entre 736 et 843, sa période iconoclaste. Voyant la puissance de l’islam, les dirigeants du christianisme se sont demandé si le fait de ne pas avoir recours aux images, comme dans l’islam, pour représenter Dieu, n’était pas un plus. En d’autres termes, ils pensaient que l’islam avait plus de vigueur que le christianisme car les fidèles étaient plus près de leur dieu. C’est l’empereur Constantin V qui prit donc la décision d’interdire les images : toutes celles antérieures à cette époque furent grattées, effacées. Les artistes durent changer leur technique. Les iconoclastes s’opposent aux adorateurs d’images. Ce fut une querelle très âpre, qui dura donc plus d’un siècle. Suite à de nombreuses pressions (certains chrétiens préféraient se livrer aux troupes arabes), les images refirent leur apparition…
Eglise à la pomme – Elmali Kilise
Bon, alors si on a bien écouté la leçon juste avant, clairement, quand on entre dans l’Eglise à la pomme, on peut sortir sa science en
disant : »heu… ça, c’est de la période post-iconoclaste… » Gagné ! ( c’est l’année 1050). Elle contient quatre piliers en forme de
croix grecque qui supportent un dôme central illustrant le Christ Pantocrator. De nombreuses scènes religieuses sont représentées,
avec des motifs géométriques à peinture rouge. Dire que tout a été excavé de la roche, c’est fantastique ! Quant au nom, il faut bien
être honnête, on ne sait pas trop d’où il vient…
Eglise Sainte-Barbe – Azize Barbara Kilisesi
A deux mètres de la précédente, un tout autre style, l’Eglise Sainte-Barbe!! La décoration a été faite en plusieurs étapes : période
iconoclaste avec beaucoup de motifs, des animaux stylisés. On dirait des dessins d’enfants tant le tout semble de style naïf. Puis une
autre étape, avec l’autorisation des images : un Christ en majesté, Saint Georges et Saint Théodore luttant contre un dragon et un
serpent (photo ci-dessous).
Eglise Sainte-Barbe – Azize Barbara Kilisesi
Eglise du serpent – Yilanli Kilise
L’église du Serpent tire son nom de la fresque principale (photo ci-dessous) représentant Saint Georges et Saint Theodore, tous
deux originaires de la région, terrassant le serpent (en fait le dragon). L’église est toute simple, constituée d’une nef unique et
étroite.
Eglise du serpent – Yilanli Kilise
Eglise à la sandale – Carikili Kilise
Dernière église de notre visite, l’Eglise à la sandale, qui tire son nom de l’empreinte d’un pas à l’entrée… Toutes les hypothèses
ont été faites, et bien entendu, celle des traces de pas du Christ luimême ! Quoiqu’il en soit, les fresques du XIème siècle de cette
église sont magnifiques, avec sa grande coupole centrale représentant le Christ. Le plan est en croix avec des voûtes croisées.
Eglise à la sandale – Carikili Kilise
Saratli, une ville souterraine
Saratli fait partie des nombreuses villes souterraines de Cappadoce, creusées par les populations des villages pour se protéger
en cas d’invasions. Le tuf, facile à creuser mais néanmoins résistant et imperméable, a permis à chaque habitant d’aménager
un tunnel sous chacune des maisons… en résulte un incroyable gruyère, puisque tous les villages communiquaient aussi entre eux !
Et certaines villes souterraines comptaient plusieurs étages ! Des pièces à vivre, des étables, des cuisines… chaque pièce possédant
son aération vers l’extérieur. La nourriture était stockée avec des réserves de six mois ! et pour ne pas qu’elle s’abîme, on enterrait
de vastes jarres dans le sol.
2 - deux abreuvoirs pour le
bétail, qui descendait
aussi sous terre…
ces meules servaient de portes et étaient placées en travers des boyaux en cas d’intrusion ennemie
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Turquie - la Cappadoce, la géologie en fête
Reviewed by RENOULT
on
01 décembre
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