Turquie - Ankara, la nouvelle capitale
Deuxième ville de Turquie
avec ses 3,5 millions
d’habitants, Ankara, qui a vu
sa population exploser depuis
l’exode rural des années 70,
est devenue capitale du pays
depuis 1923 seulement. Elle
est très différente d’Istanbul,
avec ses larges avenues, ses
vastes parcs. Mais si sa
promotion en tant que
capitale est récente, il ne
faudrait pas croire qu’Ankara
ait été construite de toute
pièce (comme Brasilia par
exemple). C’est une ville très
ancienne, et les vieux
quartiers (photo ci-dessous au
niveau de la citadelle) sont
typiques et photogéniques.
De plus, le centre ancien
abrite le plus beau musée de
Turquie pour comprendre la succession des différents peuples Anatoliens sur ce territoire. Alors une petite halte s’impose. Pause
histoire…
vieille ville d’Ankara
On mentionne Ankara (vieux quartiers sur la photo ci-dessous) dès 1200 avant
JC. Successivement occupée par les Hittites, les Lydiens, les Phrygiens, les
Perses, les Chrétiens… Après de longs épisodes difficiles et des envahisseurs
nombreux, la ville devient ottomane en 1414 et est appelée Angora. Eh oui angora, comme le nom donné aux chats et chèvres de la région qui ont cette belle laine,
l’angora (mohair) si populaire de nos jours et qui fut un moteur économique de la cité
ottomane… Après cette période de faste, un long déclin ramène sa population à
seulement 30 000 habitants en 1920, tandis qu’elle en comptait 200 000 dans sa
période byzantine !! Malgré ce statut de gros bourg, elle va devenir capitale du pays,
remplaçant Istanbul… Pourquoi ? Tout simplement parce qu’elle était devenue le centre de la Résistance contre l’éclatement de
l’Empire.
C’est Mustafa Kemal Atatürk qui l’a choisi, d’une part pour des raisons stratégiques (située au milieu du plateau anatolien, elle n’est pas aussi vulnérable qu’Istanbul, pourtant triple capitale romaine, byzantine et ottomane), et d’autre part pour des raisons politiques, car la République voulait couper les ponts avec l’ancien régime et avec tous ses symboles, dont la capitale impériale. En plus, Ankara se trouve dans une zone très peu exposée à des secousses sismiques.
panoramique Ankara
La citadelle d’Ankara et ses remparts (photo de gauche) furent édifiés durant la période byzantine de la cité, en employant toutes
les pierres que l’on trouvait sous la main : marbres de temples et colonnes grecs… La porte principale, Hisar Kapisi (photo de
droite), est surmontée d’une horloge. Tout le vieux quartier a conservé le charme d’un gros village ottoman.
ça sent bon les épices dans le vieux quartier
la périphérie de la ville : comprendre les mutations
Ankara, jusque dans les années 20, n’était donc qu’un gros bourg. Jusque dans les années 60-70 même. A cette époque, la physionomie des grandes villes turques change radicalement. Le prix des loyers explose, poussant les habitants dans les terrains
vagues. Parallèlement, les paysans de l’Anatolie quittent les champs massivement pour tenter leur chance dans les centres urbains. Il
en résulte une explosion démographique sans précédent, les gens s’appropriant la moindre parcelle du domaine public et y
construisant, sans permis, une petite bicoque. Ce phénomène est connu sous le nom de gecekondu, littéralement « construit en une
nuit », on a compris pourquoi. Une fois la « maison » érigée, la loi turque ne permettait plus de les déloger. Chaque grande ville a
donc dans sa périphérie ces bidonvilles en dur, qui sont progressivement remplacés par des immeubles pour reloger les habitants.
Sur les deux photos ci-dessous, on voit le phénomène, avec de petites maisons sur les pentes et de gros immeubles qui poussent
sur les crêtes des collines. Rappelons un chiffre : en quarante ans, la population d’Ankara (ce sont les mêmes proportions pour
Istanbul) est passée de 30 000 à 3,5 millions d’habitants… Plus du centuple !
Voici le massif monument dédié au héros de la République turque : Atatürk. Ce mausolée fut construit entre
les années 1944 et 1953
le musée des civilisations anatoliennes
Ankara tient son musée magnifique, grâce, une fois de plus, à Atatürk qui proposa sa création pour montrer que l’Anatolie, loin
d’être la terre d’un seul peuple, a au contraire de tous temps été un carrefour des civilisations. Les collections du Musée des
Civilisations Anatoliennes (Vero devant l’entrée sur la photo de gauche) sont présentées dans un très beau bâtiment du XVème
siècle, un ancien bazar (partie la plus ancienne sur la photo de droite exposant des bas-reliefs hittites).
le néolithique
La Turquie possède un des trésors néolithiques les plus importants au monde : des
vestiges des plus anciennes villes connues. Parmi celles-ci, la plus connue (mais des
recherches récentes ont trouvé des villages plus anciens encore) est Catal Höyük. Au
néolithique, l’Homme se fixe, il sort du paléolithique en s’installant durablement dans
des villages. C’est une étape majeure de l’histoire humaine. L’Anatolie centrale a été
un des berceaux de cette sédentarisation, et le musée d’Ankara possède des pièces
uniques.
Catal Höyük fut fondée en 7000 avant notre ère, dans la plaine de Konya. On estime que le village s’étendait sur 13 hectares et comptait un millier de familles, soit 5 000 personnes environ, ce qui est considérable à l’époque ! L’organisation sociale était développée, et ce qui est très intéressant est ce que les archéologues ont découvert en ce qui concerne l’architecture du village…
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1 - Regardez cette reconstitution du village de Catal Höyük : il n’y a pas de porte, ni fenêtre. Les maisons sont collées les unes aux autres et on pénètre à l’intérieur par une échelle et une ouverture sur le toit. Elles étaient construites en briques
crues recouvertes d’enduit et comprenaient généralement une pièce commune de 20 à 25 m² et des pièces annexes.
2 - L’intérieur de la maison était quasiment toujours le même : la pièce principale disposait de bancs et de plates-formes pour s’asseoir et dormir, d’un foyer rectangulaire surélevé et d’un four à pain voûté. Les corps des morts étaient déposés sous les plates-formes de repos dans les sanctuaires et dans les maisons, et s’entassaient au cours des ans et des générations, ce qui laisse supposer un culte des ancêtres très élaboré (on voit deux squelettes au premier plan et sur la photo ci-dessous).
2 - L’intérieur de la maison était quasiment toujours le même : la pièce principale disposait de bancs et de plates-formes pour s’asseoir et dormir, d’un foyer rectangulaire surélevé et d’un four à pain voûté. Les corps des morts étaient déposés sous les plates-formes de repos dans les sanctuaires et dans les maisons, et s’entassaient au cours des ans et des générations, ce qui laisse supposer un culte des ancêtres très élaboré (on voit deux squelettes au premier plan et sur la photo ci-dessous).
détail des squelettes qui occupaient une place importante dans la maison
Les murs de certaines maisons sont recouverts de peintures avec des scènes de chasse, des taureaux, des
cerfs, des béliers, des vautours et des hommes sans tête, parfois des motifs géométriques.
2 - détail de peintures murales
Cette peinture murale est exceptionnelle à double titre : vous avez sous vos yeux (si les archéologues ont
raison), le premier plan d’une ville au monde ! On distingue des rectangles collés les uns aux autres. Et, tout
aussi extraordinaire, sur la partie supérieure gauche, on voit bien une montagne : c’est le volcan Hasan en
éruption, sur la plaine de Cappadoce, qui dominait le village.
Une des pièces les plus importantes du musée est cette petite figurine : la statue de la « déesse-mère ». Avec
ses seins imposants et son gros ventre, cette divinité tutélaire de la ville de Catal Höyük a été reliée à la
fertilité et à l’agriculture. Ce pourrait aussi être une personne de pouvoir, comme l’atteste sa position assise
entre deux léopards. Quant à la partie ronde qu’elle tient entre ses cuisses, les archéologues n’ont pas tranché
: est-ce la tête d’un nouveau-né ou bien le crâne d’un ancêtre révéré ?
La plupart des outils trouvés à Catal Höyük (photo extrême gauche) sont en obsidienne, pierre très dure d’origine volcanique. Elle
était échangée ou bien rapportée directement de son lieu d’extraction, au coeur de la Cappadoce, soit à une bonne dizaine de jours
de marche. Les pointes de flèches que l’on voit ici servaient à tuer du bétail sauvage.
Ces petites figurines en pierre et argile, auxquelles manque souvent la tête, avaient une fonction symbolique (photo gauche),
même si leur sens nous échappe encore. Vu le grand nombre de femmes retrouvées, on a pensé un moment que la société de Catal
Höyük était matriarcale, même si les archéologues estiment que les deux sexes étaient égaux. Certains vêtements semblent être faits
de peau de léopard, animal décidément très présent dans cette société (au passage, cela fait un bon moment qu’il n’y a plus de
léopards dans la plaine de Konya mais comme bien souvent l’archéologie permet de se faire une idée des anciennes répartitions
faunistiques).
Ces bijoux et figurines (photos de droite) ont été trouvés dans un autre important site néolithique : Hacilar, dans le sud-ouest de l’Anatolie. Là aussi, à des centaines de kilomètres de Catal Höyük ont été retrouvées les mêmes figurines de la 'déesse-mère' .
Conclusion : les mêmes croyances et les mêmes traditions religieuses étaient très répandues en Anatolie. Encore une fois ce sont
surtout des femmes qui sont représentées, debout, assises ou couchées.
l’âge du bronze
Après le néolithique vint l’âge du bronze, moins bien représenté dans le musée mais avec des pièces intéressantes. C’est vers 3000
avant JC que les habitants de l’Anatolie parviennent à fabriquer cet alliage essentiel qui leur permettra de réaliser toutes sortes
d’objets. Les gens s’engagent dans la culture de céréales et la domestication des animaux. Le commerce augmente, ainsi que le
travail du métal.
Dans le site de Alacahöyük furent exhumées de nombreuses tombes richement décorées. Les rois de Hatti, le
peuple qui vivait là, aimaient être enterrés aux côtés de nombreuses statuettes en bronze, comme les cerfs,
animal très souvent représenté durant cette période.
2 - Vero déambulant dans les
collections de l’âge de bronze
la période assyrienne : les Hittites
Nous voici à un tournant capital : nous passons de la Préhistoire à l’Histoire… les Assyriens amènent en Anatolie une invention
qui changera la face du monde, l’écriture ! Nous sommes en 1960 avant notre ère. Les marchands assyriens s’installent dans la
région. De magnifiques reliefs ornent les principales cités hittites.
L’écriture ! elle fut inventée sur les fameuses tablettes d’argile en écriture cunéiforme (forme de clous). La plupart des objets
présents dans le musée proviennent de maisons de marchands assyriens installés en Cappadoce (région de Kayseri). Un stylet à bout
arrondi permettait d’y graver les lettres. Une tablette était ensuite mise dans une enveloppe d’argile et cuite avec simultanément
(photo ci-dessous, un rare exemple d’une partie d’enveloppe entourant la tablette !). Les sujets pouvaient êtres variés, privés
parfois, mais la plupart du temps ce sont des témoignages touchant le commerce qui nous sont parvenus. Les Hittites autour de leur
Roi Anitta apparaissent en Anatolie en même temps que l’avènement de l’écriture.
un rare exemple d’une partie d’enveloppe entourant la tablette
2 - ensemble de tablettes en
écriture cunéiforme
3 - la céramique était importante pour les Hittites, comme en témoigne cet immense vase
3 - la céramique était importante pour les Hittites, comme en témoigne cet immense vase
4 - magnifique ensemble de
rhytons cultuels d’époque
hittite. Les rhytons sont
des vases à forme
animale
5 - statue qui ornait un des
temples d’une cité hittite
6 - bas-relief hittite
somptueux bas-relief hittite
les Phrygiens
Pour nous autres occidentaux, il faut être honnête, la civilisation phrygienne demeure un sujet un peu confus ! En revanche tout le
monde connaît, sous la Révolution française, le nom donné aux bonnets des révoltés : le bonnet phrygien… eh bien il y a un rapport
entre notre Bastille et ce peuple originaire des Balkans, arrivé en Anatolie en 1200 avant JC et qui chassa les Hittites… Les
Phrygiens avaient des esclaves, beaucoup d’esclaves, comme Rome put en avoir. Ils étaient coiffés d’une sorte de bonnet, qui
ressemble à ceux qu’avaient les révolutionnaires. Ces esclaves phrygiens se sont révoltés contre leur dure condition, menant une
véritable petite révolution… on comprend l’analogie avec la notion de liberté…
Les Phrygiens avaient un culte funéraire important et de nombreux tumuli ont été retrouvés, surtout autour de leur capitale
Gordion. Voici la reconstitution d’une chambre funéraire telle qu’elle a été découverte, avec le roi entouré de nombreux objets.
reconstitution chambre
funéraire
Les Phrygiens avaient comme déesse principale Kybele. C’est la mère des
Dieux, qui doit apporter fertilité et abondance. Beaucoup de monuments
ont été érigés en l’honneur de cette Reine des Montagnes et de la Nature.
Plus tard, les Grecs, puis les Romains, se sont inspirés de Kybele et ont
nommé leur divinité de la nature sauvage… Cybèle…
Viendront les grecs, les Romains, les byzantins, les Ottomans… tout n’est que continuité, et, comme voulait le montrer Atatürk en
fondant ce musée, une terre n’appartient à personne, elle passe de générations en générations, de civilisations en civilisations…
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Turquie - Ankara, la nouvelle capitale
Reviewed by RENOULT
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24 novembre
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