Portugal - Lisbonne, une des plus anciennes villes du monde
Lisbonne, capitale du
Portugal et plus grosse ville
européenne située sur
l’Atlantique, est extrêmement
ancienne, plus vieille que
Londres, Paris ou même
Rome : dans sa périphérie
subsistent encore de
nombreux dolmens et menhirs
pré-celtiques. Très étendue le
long du Tage, elle est
composée de nombreux
quartiers qui ont tous leurs
caractéristiques : Almafa, le
plus ancien, le Bairro alto,
coeur culturel et commercial
où résonnent les airs du fado,
Baixa, le centre ville de la
partie basse reconstruit en
damier après le tremblement
de terre de 1755 ou encore Belem, qui vit partir tant d’explorateurs vers leurs terres de découvertes, tel Vasco de Gama. Nous
avons concentré notre exploration de la ville sur Belem, avec les deux monuments parmi les plus importants de la ville, tous deux
classés au patrimoine mondial de l’Unesco : la tour de Belem et le monastère des Hiéronymites. Ainsi que le Bairro alto, plus le
musée d’arts, une petite merveille.
la tour de Belem est un des symboles de la ville ; placée sur le bord du Tage, elle vit passer bon nombre de
navires en partance pour la Guinée
Sommaire |
Lisbonne est rayée de la carte... Le tremblement de terre du 1er novembre 1755 est un des plus meurtriers et célèbres de l’histoire. L’épicentre était pourtant situé à 200 kilomètres au large des côtes, en plein océan Atlantique, mais les spécialistes affirment que sa magnitude devait approcher les 9 ! Résultats : le tsunami qui s’est développé et les incendies gigantesques qui ont suivi ont totalement balayé la ville de Lisbonne et les alentours. On estime le nombre de victimes entre 50000 et 100000. Ce tremblement de terre fut largement commenté par le siècle des Lumières : les philosophes n’arrivaient pas à comprendre comment Dieu avait pu provoquer, le jour d’une fête religieuse, un tel massacre, mettant à terre la moindre église… dans un pays profondément catholique. Voltaire notamment en fut très marqué, puisqu’il fait même allusion à la catastrophe dans son Candide. Il souligne le côté arbitraire avec lequel mouraient les gens, croyants ou non. Autre conséquence, et non des moindres, le tremblement de terre de 1755 marqua la naissance de la sismologie moderne : quelques jours après la catastrophe, on fit passer dans toutes les paroisses un questionnaire précis avec les questions suivantes : combien de temps a duré le tremblement de terre ? combien de secousses avez-vous ressenti ? les animaux ont-ils eu un comportement étrange ? etc… Les bases d’études plus poussées sur ces phénomènes naturels étaient posées.
la tour de Belem
La célèbre tour de Belém, ou tour de Saint-Vincent, est un des symboles les plus évidents de la ville de Lisbonne. Il fut classé au
patrimoine de l’Unesco en raison du rôle important qu’elle a joué dans les découvertes maritimes du Portugal. Elle fut commandée
par le roi Jean II afin de faire partie d’un système de défense à l’embouchure du Tage. Mais le monarque étant mort avant la
réalisation de son idée, c’est Manuel Ier, en 1513, qui ordonne le début de sa construction, au niveau d’un affleurement rocheux
situé à quelque distance du fleuve. Aujourd’hui, le tracé du fleuve a été modifié par l’érosion ou encore le fameux tremblement de
terre, et la Tour se retrouve intégrée dans la berge alors qu’elle fut édifiée sur une petite île près de la rive.
la tour de Belem retrouve les rayons du soleil après le passage d’une belle averse
La tour est organisée en deux parties : un bastion hexagonal, avec des flancs allongés vers le fleuve, et une tour rectangulaire de
quatre étages du côté Nord. Un pont-levis permet d’accéder aux remparts. L’ensemble est décoré dans le plus pur style manuélin
avec des croix de l’Ordre du Christ et des sphères armillaires (symboles de Manuel Ier), ou des croisées d’ogive. 17 canons venaient
compléter la tour. Le niveau supérieur du bastion est couronné par un petit mur avec échauguettes (tours de guet cylindriques) à des
endroits stratégiques. On retrouve, en plus du style manuélin, un évident air mauresque avec les décorations délicates des fenêtres
cintrées ou des balcons.
le style manuélin... On appelle style manuélin l’esprit créatif portugais qui se développe durant l’âge d’or des Grandes Découvertes, au XVème siècle, sous le règne du roi Manuel Ier. Le Portugal est alors la première puissance maritime au monde ; le monde occidental découvre d’autres civilisations outre-Atlantique. Le style architectural qui va naître emprunte à ces nouvelles visions : mélange de roman, de gothique flamboyant, de décoration maure. L’art manuélin se caractérise par une profusion de motifs liés au domaine maritime : coquillages, coraux, vagues, poissons, ancres ou cordages. Tout cela se mêle à la croix du Christ, symbole de Manuel Ier. Les plus beaux exemples de ce style sont la tour de Belem et le monastère des Hiéronymites à Lisbonne, le couvent du Christ de Tomar ou le monastère de Batalha.
la tour trône au bord du
Tage
le monument aux Découvertes
Le Padrao dos Descobrimentos (le « monument aux Découvertes ») est un autre symbole dans le quartier de Belém, à quelques
centaines de mètres à l’est de la tour. Dominant de ses 52 mètres le Tage, il fut érigé en 1960 afin de fêter le 500ème anniversaire de
la mort d’Henri le Navigateur, que l’on voit au bout du monument – qui symbolise une caravelle – se tenant à la proue avec un
vaisseau entre les mains. Deux files descendantes, de part et d’autre du monument, rassemblent les effigies des grandes figures
portugaises de l’épopée des Grandes Découvertes.
le monument aux Découvertes ; on distingue en arrière-plan le fameux pont du 25 avril, édifié en 1960
également sous la dictature de Salazar : on reconnait la forme de celui de San Francisco
le monastère des Hiéronymites
Le monastère des Hiéronymites, situé non loin de la tour de Belém, est un des monuments les plus importants de l’architecture
manuéline. A l’origine, la maison de l’ordre religieux de Saint Jérôme fut construite vers 1459 à l’invocation de Santa Maria de
Belem et fut entretenue par les moines de l’Ordre du Christ pour fournir une assistance aux pèlerins qui transitaient dans la région.
La plage en face était un lieu sûr et offrait une protection contre les vents très recherchée pour tous les navires qui entraient dans le
Tage. Vasco de Gama y passa une nuit à prier avant son départ pour l’Orient en 1497. Le monastère que l’on visite de nos jours fut
lancé par Manuel Ier, après une demande officielle au Saint-Siège. C’est lorsque Vasco de Gama revint de son expédition un an plus
tard chargé d’or que le monastère devint une représentation de l’expansionnisme portugais et que l’église devint une maison de
prière pour tous les marins en transit.
Le majestueux monastère a été commencé en 1501 grâce à une taxe récupérée sur le commerce en Afrique et
en Orient ; l’afflux d’argent a ainsi pu permettre de voir les choses en grand !
Jusqu’en 1833, les moines ont donc prié pour l’âme éternelle des Rois et fourni une assistance spirituelle pour les navigateurs et
marins qui quittaient la plage en face afin de découvrir le monde. Ils vivaient dans un lieu immense et majestueux, à la décoration
ornée avec de nombreux thèmes renvoyant aux expéditions maritimes. Le calcaire doré était acheminé jusqu’aux bords du fleuve
et il aura fallu un siècle d’efforts pour voir sortir de terre ce chef-d’œuvre ! Il est à noter que le monastère ne connut que peu de
dégâts suite au tremblement de terre de 1755.
Le portail latéral Sud n’est pas la principale entrée mais c’est la plus
célèbre, déjà en son temps, grâce au travail remarquable de son
architecte Juan de Castilho ; le portail s’étire sur 32 mètres de hauteur
pour 12 de large ! on note une profusion de pignons et pinacles, avec de
nombreuses figures sculptées sous un baldaquin autour du personnage
central d’Henri le Navigateur. Le tympan quant à lui présente deux scènes
de la vie de Saint Jérôme : la suppression de l’épine dans la patte du lion,
et l’expérience dans le désert. La Vierge surmonte l’ensemble.
L’intérieur de l’église du monastère est somptueux : les trois nefs sont amples, le choeur est surélevé. Il s’agit d’une église-halle,
c’est-à-dire que les deux bas-côtés et la nef centrale sont de même hauteur. Ce qui frappe le visiteur, ce sont les détails de la voûte
stellaire avec les entrelacs incroyables ! Les colonnes octogonales de 25 mètres de hauteur, fines et raffinées, ajoutent à
l’esthétique et à l’espace total.
2 - détail du choeur
3 - tombeau de Vasco de
Gama réalisé au XIXème
siècle pour recevoir la
dépouille du célèbre
navigateur
4 - détail de la voûte
détail d’un pilier et des entrelacs du plafond
Le clou de la visite demeure le vaste cloître carré (55mx55m), avec ses larges arcades et les fenêtres à entrelacs reposant sur de
délicats meneaux. Le deuxième étage est légèrement en retrait. La construction d’un tel cloître était une nouveauté à l’époque : les
colonnes rondes deviennent rectangulaires et ornées. Chaque aile se compose de six travées voûtées d’entrelacs. Quant aux angles,
ils possèdent tous une baie diagonale avec des piliers d’angle richement décorés. C’est cet agencement si particulier qui fait pousser
un cri d’admiration aux visiteurs lorsqu’ils découvrent ce lieu (franchement, il faut être blasé pour ne pas être stupéfait par l’audace
architecturale de ce cloître à la forme si particulière ; par ailleurs, nous avions ce jour-là une lumière d’après averse absolument
superbe). La fonction du cloître était double : religieuse bien sûr, mais aussi représentative par son ornementation décorative et les
nombreux motifs symboliques dynastiques, comme l’armillaire, le manteau, la croix de l’Ordre du Christ… à cela, il faut rajouter
les éléments habituels du style manuélin : les motifs marins, européens, maures et orientaux.
l'extraordinaire cloître en calcaire doré et ses deux étages
un chemin de croix autour du cloître…
Bairro Alto
Le quartier historique situé sur les hauteurs est sillonné de nombreux tramways dont certains sont très anciens. On peut également,
depuis la partie basse de la ville, s’y rendre en empruntant un bien curieux ascenseur en fer forgé, le Santa Justa, ou Elevator do
Carmo. Au départ actionné par une machine à vapeur, il fut électrifié en 1907. De style néo-classique, on jouit de ses 45 mètres
d’une vue étendue sur une partie de la ville. C’est le seul ascenseur totalement vertical de Lisbonne, les autres étant des funiculaires.
l’ascenseur des Carmes, ou Santa Justa et ses 45 mètres de hauteur
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Le couvent des Carmes est un bâtiment historique en ruines, surplombant le quartier du Rossio et face au château. Il est un des
symboles de la ville car son église, détruite par le tremblement de terre de 1755, a été laissée en l’état. Il fut fondé pour l’Ordre
des Carmes en 1389 par un chevalier portugais, Alvares Pereira, commandant militaire qui assura au pays une victoire décisive
contre l’armée castillane. Lors du tremblement de terre, tout ou presque a été perdu, dont les 5000 livres de la bibliothèque.
L’édifice, abandonné, devint un quartier militaire et les bâtiments, à l’exception de l’église, furent reconstruits. Aujourd’hui il sert
de petit musée archéologique.
la nef du couvent des Carmes ; seuls les arcs en ogive entre les piliers ont survécu aux terribles secousses
3 - vue depuis Santa Justa
sur le château de la ville
4 - autre vue vers le Nord
5 - le Christ Rédempteur,
inauguré en 1959,
culmine à 113 m de
hauteur et se veut
comme un parallèle à
celui de Rio
6 - sur le pont du 25 avril
musée national des Arts Antiques
Ce musée fait partie des principaux de la ville, et possède quelques toiles majeures de la peinture occidentale. Je voulais
absolument y aller afin d’admirer un des chefs d’oeuvres de Jérôme Bosch, la Tentation de Saint Antoine, et je n’ai pas été déçu !
Voici un petit aperçu des richesses que l’on peut y trouver.
triptyque de la Tentation de Saint Antoine, Jérôme Bosch, 1501
Cette toile est tellement extraordinaire qu’elle mérite que l’on s’y attarde (rien ne remplacera une vision in situ du chef-d’oeuvre de
Bosch qui m’a totalement hypnotisé ! Quelle imagination du flamand !) Lorsque Jérôme Bosch pense à son sujet, nous sommes à la
toute fin du Moyen-Age ; guerres et maladies dévastent une population affamée. A cette époque, on commence à se tourner vers
l’adoration des Saints et de leurs reliques. C’est donc tout naturellement que le peintre s’intéresse à la figure de Saint
Antoine, protecteur d’une maladie causée par un champignon, l’ergot, et que l’on surnommait le « feu de Saint Antoine ». Les gens
qui étaient touchés par ces maux avaient des hallucinations qui étaient perçues à l’époque comme une manifestation diabolique.
partie gauche : Saint Antoine est rossé par les Diables ; on voit le Saint totalement sous l’emprise des diables dans la partie haute
du panneau, avant de le retrouver sur le sol, affaibli, et secouru par deux moines. Le paysage est étrange, fait de constructions et
d’habitants imaginaires et improbables. Le mal est partout : l’homme-maison évoque très certainement la sodomie, la sauterelle-poisson
dévorant un autre poisson incarne un monde en total conflit ; tout est hanté par la peur et la violence et semble
communiquer avec un espace infernal par l’intermédiaire de l’eau gelée qui s’ouvre vers le registre inférieur.
partie centrale : la Tentation de Saint Antoine ; Antoine est au centre du panneau, au coeur de tout un cortège de créatures
horribles. A gauche un village est en flammes, à droite, deux navires ailés semblent promettre un avenir meilleur. Antoine regarde le
spectateur et ne semble nullement perturbé par ce monde qui le défie. La table derrière lui pourrait être un lieu de culte. Les détails
sont innombrables et absolument fascinants, peints avec une précision redoutable : un bailli exhibe sur la roue de la Justice un
membre tronçonné d’un condamné, une femme lave son linge au bord de la rivière. Tout est dans les détails : dans l’édifice en
ruines de l’arrière-plan se cache un petit chemin qui abrite la figure du Christ, voie du Salut. On observe même le lait couler et le
miel, symbolisés par une grappe de raisin géante. Mais il y a, tout proche, le palais du Péché qui veut tenter Antoine, cette
construction en forme de fruit traversé par une procession animale. Les étranges habitants aquatiques sont également diaboliques,
participant à une sorte de messe noire.
partie droite : Saint Antoine en méditation ; le ciel est toujours chargé de créatures monstrueuses, avec des sorcières participant à
une cérémonie ; on voit une ville peuplée d’êtres bizarres tel un dragon ou des rats géants. Changement par rapport au panneau
central : le Saint ne nous regarde plus, pas plus qu’il n’observe la femme nue, symbole de la tentation de la chair. Dans la partie
basse, c’est la gloutonnerie qui est symbolisée avec une table soutenue par des personnages terrifiants au ventre transpercé.
voici d’autres toiles très intéressantes du musée :
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Portugal - Lisbonne, une des plus anciennes villes du monde
Reviewed by RENOULT
on
22 mars
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