Italie - Vérone : Roméo, Juliette et les autres...
Vérone, non loin du lac de Garde, possède
une histoire vieille de plus de 2000 ans.
D’ailleurs, c’est la ville d’Italie du Nord qui
conserve le plus grand nombre de vestiges
romains. Mais lorsque l’on évoque Vérone,
ce sont d’autres noms qui viennent tout de
suite à l’esprit : Romeo et Juliette, les
amants maudits de Shakespeare. L’Anglais
qui n’a jamais mis les pieds à Vérone, mais
qui permet encore aujourd’hui à la ville, et
pour certainement très longtemps, de
surfer sur cette tragédie universelle. Il a
fallu trouver un balcon qui présente pas
trop mal, inventer une maison de Juliette, et
hop ! accueillir à bras ouverts les millions
de touristes espérant marcher sur les traces
des héros… Heureusement, Vérone
possède bien plus, un beau centre ancien, et, ce par quoi nous allons commencer, un peu à l’écart du centre, une somptueuse
basilique, San Zeno.
fresques de la basilique San Zeno
Basilique San Zeno
Chef-d’oeuvre de l’architecture romane, San Zeno remonte au XIème siècle. Evêque de Vérone mort au IVème siècle, Zénon fut
enterré sur place dans un petit bâtiment primitif qui devint vite trop exigu. A la suite de divers travaux d’agrandissement, c’est
en 1178 que la basilique prend la forme qu’on lui connait aujourd’hui.
La façade est en tuf de couleur crème, et agencée en trois parties bien distinctes : la nef centrale surmontée d’un fronton, tranchant
fortement avec le reste de l’édifice, puisque de marbre blanc avec colonnes en marbre rose, et les deux allées avec un toit en pente.
Chacune des parties s’articule autour de pilastres. Une arcade en marbre rose s’avance devant le porche principal. A droite, le clocher est séparé. D’une hauteur de 72 mètres, il fut commencé au XIème siècle, autour d’une alternance entre brique et tuf, lui
donnant cette bichromie particulière. Quatre clochetons d’angle entourent le principal. A gauche de la basilique, la tour fait partie du
complexe monacal San Zeno.
2 - Le portail est flanqué de part et d’autre
d’une série de dix-huit bas-reliefs du
XIIème siècle relatant des scènes
bibliques des ancien et nouveau
Testaments, notamment la vie de
Theodoric : chasse au cerf (symbole du
Diable) ou le duel contre Odoacre.
La grande rosace au-dessus du porche fut pensée comme une Roue de la Fortune, accompagnée de petites statues représentant les
vicissitudes de l’Homme. Le bord extérieur de la rose est marqué de six chiffres symbolisant les oscillations de la vie humaine. Le
porche, du XIIème siècle, est soutenu par deux colonnes reposant sur un lion, symbole de la loi et de la foi. Dans les écoinçons les deux
statues sont celles de Saint Jean Baptiste et Saint Jean l’évangéliste. Quant à la lunette finement décorée, elle relate des épisodes de la
ville de Vérone, comme Saint Zeno terrassant le Diable. Les bas-reliefs du dessous mettent en avant les miracles opérés par Zenon. La
lourde porte en bronze possède 48 panneaux, de divers artistes, montrant des Saints et Saintes, mais aussi des scènes en rapport avec
la musique.
cloître basilique San Zeno
cloître basilique San Zeno
Pénétrons maintenant à l’intérieur de la basilique : la longue triple-nef est séparée par de massifs piliers cruciformes en alternance
avec des colonnes à chapiteau corinthien. Le plafond voûté en bois date du XIVème siècle.
2 - Une immense figure de Saint
Christophe, protecteur des
voyageurs, remontant au
XIIème. Sur la droite en plus
petit, des épisodes de la vie du
Saint.
3 - Les murs latéraux de la nef sont
recouverts de fresques du
XIIème au XVème siècle.
4 - Nombreuses scènes en
fresques, comme Saint Georges
terrassant un dragon tenu… en
laisse par la princesse ! D’autres
scènes montrent le baptême du
Christ, la résurrection de Lazare
ou le transfert des reliques de
Saint Zénon.
5 - autres fresques
La belle crypte qui renferme depuis 921 le corps de Saint Zénon dans un sarcophage, le visage couvert d’un masque d’argent,
possède une nef de huit allées dont les arcades sont soutenues par 49 colonnes, toutes différentes.
crypte basilique Saint Zénon
retable de San Zeno, Andrea Mantegna
Terminons avec la pièce-maîtresse de la basilique : le retable de San Zeno, d’Andrea Mantegna (1457-59), premier du genre peint
en Italie du Nord. Immense (cinq mètres sur plus de quatre), l’artiste l’a voulu comme une conversation sacrée avec la Vierge,
tenant son Enfant.
- Marie, au centre, est entourée de musiciens et d’Anges, ainsi que de quatre Saints des deux côtés. Sa chaise haute est ornée de bas-reliefs
de marbre. Le moindre détail prône le luxe, comme le tapis exotique sur lequel elle pose ses pieds.
- A sa droite (partie gauche) nous pouvons reconnaître Saint Pierre, cheveux gris, clefs dans les mains, Saint Paul, reconnaissable à son épée, Saint
Jean l’évangéliste, sous les traits d’un jeune homme avec une robe rose, San Zeno en habits épiscopaux.
- gauche à droite (partie droite) : Saint Benoît avec les habits monastiques, Saint Laurent avec le gril et la palme du martyre, Saint Grégoire
avec la robe papale et enfin Saint Jean -Baptiste et sa robe d’ermite dans le désert.
L’ensemble des personnages est situé dans une loggia à base carrée, avec des piliers, ouverte sur tous les côtés. La frise et les
médaillons représentent des scènes mythologiques. A l’arrière-plan, le regard est arrêté par un beau jardin aux fleurs exotiques. Au-dessus
des personnages une guirlande de fleurs, et des pierres précieuses ornant le haut du trône de la Vierge. Rien n’est laissé au
hasard. Et Mantegna ajoute dans sa composition nombre de symboles, bien compris des spectateurs de son époque : regardez par
exemple, au-dessus de la chandelle allumée, l’oeuf d’autruche qui est accroché (plein centre, tout en haut) : l’oeuf renvoie à la
légende de Zeus et Leda, dans la mythologie grecque. Zeus, voulant séduire Leda, s’est transformé en cygne pour s’unir à la jolie
mortelle, qui a eu deux oeufs, l’un donnant Castor et Clytemnestre, l’autre Pollux et Hélène de Sparte. Marie, elle, a enfanté de
l’enfant Jésus en restant vierge, fécondée par les rayons divins de la colombe du Saint-Esprit.
La prédelle : le retable a malheureusement été totalement démantelé et éparpillé par les troupes napoléoniennes, et si la partie centrale a été
rendue par la suite, les trois panneaux de la prédelle sont remplacés par des copies. Ils seraient nettement mieux ici !
Gauche - Agonie dans le Jardin (Musée des Beaux-Arts de Tours) : le Christ est à genoux sur un rocher en forme d’autel, tout en priant
face à un ange venant d’apparaître dans le ciel. Trois apôtres sont endormis. La grande majorité de la scène est dédiée au vaste
paysage conduisant le regard vers une Jérusalem céleste très détaillée. Sur le chemin, arrivant vers les groupes de quatre hommes des soldats sont conduits par Judas.
Centre - la crucifixion (Musée du Louvre, Paris). La scène est divisée en deux niveaux : supérieur avec les trois croix se détachant sur le
fond de ciel ; inférieur avec les soldats et le groupe de femmes pieuses. Des crânes au pied de la croix du Christ rappellent
l’inéluctabilité de la mort, tandis que les soldats avides jouent aux dés la tunique du crucifié. Encore une fois Mantegna a représenté
à l’arrière-plan une Jérusalem céleste.
Droite - Résurrection du Christ (Musée des Beaux-Arts de Tours) : d’une grotte, Jésus sort tout-puissant de son sarcophage. Les soldats
sont étonnés, voire effrayés, de cet événement prodigieux.
Pont du Castelvecchio
pont Scaliger
Le vieux pont, ou Scaliger, est un des emblèmes de la ville, franchissant depuis le Moyen-Age l’Adige. La grande arche centrale
de 49 mètres est un record mondial pour un pont en arc. Comme tous les monuments médiévaux de la ville, le pont est en
brique rouge avec les arcs et les bas de piles en marbre blanc. Ces dernières ont la forme de rostres, afin de permettre un
meilleur écoulement de la rivière. C’est Cangrande II della Scala, en 1354, qui ordonna sa construction qui devait lui fournir un
moyen sûr d’échapper à l’annexe de son château éponyme en cas de rébellion de la population contre son régime tyrannique. Le
pont resta intact jusqu’au XIXème siècle, lorsque les troupes françaises détruisirent la tour de la rive gauche.
Vue depuis le Pont Scaliger
Arènes romaines
30 000 spectateurs pouvaient prendre place dans les arènes de Vérone, édifiées en 30 ap. JC. Troisième plus grand
amphithéâtre du monde romain, après ceux de Rome et de Capoue, les dimensions sont imposantes, avec une longueur de 152
mètres pour une hauteur de 32 mètres. Au XIIème siècle, un important tremblement de terre le mit malheureusement à terre,
et l’édifice devint alors une carrière à ciel ouvert, les pierres éparpillées servant à la construction d’autres monuments. Il faudra
attendre la Renaissance pour voir les premiers travaux de restauration. De nos jours, de nombreuses représentations d’opéras s’y
succèdent.
arènes de Vérone
Maison de Juliette
Après de si beaux monuments, passons à ceci… kézako ? la dernière exposition d’art moderne de la FIAC ? un tunnel malfamé
sous un periph d’une mégalopole ? Et non ! c’est un endroit très fréquenté, le plus fréquenté de Vérone… la nouvelle mode
pour montrer son amour, écrire ses doux prénoms sur un chewing-gum que l’on aplatit sur les milliers d’autres… ou bien, plus
traditionnel, taguer un joli coeur sur un mur. Ah ! Si Shakespeare avait pu imaginer un jour le formidable succès de ses deux héros
véronais… lui qui n’était jamais venu ici.
Bon, il a fallu trouver une maison à Juliette. Alors on se tourna vers cette belle demeure du XIIème siècle, ayant longtemps
appartenu à une noble famille répondant au nom de Dal Cappello. De Dal Cappello à Capuletti, il n’y a qu’un pas qui fut d’ailleurs
vite franchi puisqu’au XIXème siècle, la croyance était fortement ancrée : Juliette était vraiment venue ici ! Mais il manquait un beau
balcon, qui fut rajouté en imitant le style gothique en, tenez-vous bien, 1940 ! Oui, bon, tout de suite, avec la statue en bronze
ajoutée au même moment, ça frôle l’arnaque, mais qu’importe, c’est l’occasion de se remémorer les célèbres vers lancés du balcon (en réalité d'une fenêtre car Shakespeare n'évoque à aucun moment un balcon...) :
O Romeo ! Romeo ! pourquoi es-tu Romeo ? Renie ton père et abdique ton nom ; ou, si tu ne le veux pas, jure de m’aimer, et je ne serai plus une Capulet.
le balcon de Juliette
Piazza delle Erbe
tour Lamberti
A l’emplacement de l’ancien forum romain, la place delle Erbe est, de facto, la plus ancienne de la ville. De nombreux palais,
ainsi que la haute tour Lamberti, forment un bel écrin. Cette tour, d’une hauteur de 82 mètres, fut commencée au XIIème
siècle.
palais Mazzanti
Le palais Mazzanti, qui a conservé sur sa façade de magnifique fresques, ce qui était en fait relativement courant à l’époque. On les
doit à Alberto Cavalli, élève de Giulio Romano, qui a peint ici de nombreuses scènes mythologiques et allégoriques. A son pied, la
fontaine la plus ancienne de la ville est surmontée d’une statue romaine du IVème siècle appelée la "Madona Verona" .
tour del Gardello
La tour del Gardello avec la colonne Saint-Marc à ses pieds, symbole de la République de Venise. A droite de la tour, le palais
Maffei, dont les trois étages sont de style baroque. Notez la balustrade au sommet avec six statues de divinités antiques : Hercule
(qui est divinisé mais reste un héros), Jupiter, Venus, Mercure, Apollon et Minerve.
Porte Borsari
La Porte Borsari est un vestige de la muraille romaine, datée du Ier siècle de notre ère. Elle était appelée à l’époque Porte de
Jupiter du fait de la présence d’un temple éponyme à proximité. Les inscriptions au-dessus des arcs doubles ont été
commandées par l’empereur Gallien au IIIème siècle pour célébrer la restauration du mur. La Vérone romaine était au coeur
d’un important réseau commercial, terrestre et maritime par le fleuve, non loin du lac de Garde. Quatre axes se rejoignaient dans
cette ville : via Gallica, Claudia augusta, Veronensium vicum et Postunia. La porte permettait l’accès au forum, aujourd’hui piazza
delle Erbe.
porte Borsari
La façade de la porte comprend une double arche avec deux frontons et entablements. Les chapiteaux sont de style corinthien.
Dans la partie supérieure se trouve un mur de deux étages avec douze fenêtres cintrées, dont certaines sont incluses dans de petites niches avec fronton triangulaire.
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Italie - Vérone : Roméo, Juliette et les autres...
Reviewed by RENOULT
on
10 février
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