Italie - Venise, la Sérénissime
Venise... difficile de parler de
cette ville, certainement une
des plus célèbres au monde,
édifiée au fil des ans sur plus
de 118 petites îles séparées
par des ponts et les fameux
canaux. Jamais peut-être
l’homme n’aura montré une
si grande détermination pour
faire surgir des eaux une telle
merveille. Il est possible de
revenir plusieurs fois à
Venise sans jamais s’en
lasser : c’est, avant même les
monuments, l’atmosphère qui
prime, le décor, comme une
pièce de théâtre où tout
grouille, bouge, navigue. La
Sérénissime offre beaucoup à
ses visiteurs qui, revers de la médaille, la font souffrir : car Venise est en danger, elle est éphémère, instable, la mer ronge les
monuments, les soubassements de pilotis se fatiguent, et les pieds de millions de touristes finissent de l’achever. Une des priorités
de l’Unesco est de sauvegarder cette ville, absolument unique au monde. D’ailleurs, combien de villes sur notre planète sont fières
de se nommer « Venise du nord, de l’ouest, de l’est ou du sud » ?
Emblème de la ville, le pont Rialto enjambe le grand Canal. Gondoles, eau, ciel bleu et façades de palais, un
cliché si photogénique…
le Grand Canal
Petite histoire de Venise... Cela fait longtemps que la région est habitée, et les historiens font remonter l’occupation de Venise aux romains, qui fuirent les Huns depuis les campagnes autour de Padoue. Mais ce n’était pas une ville, juste un ensemble de huttes de pêcheurs qui sillonnaient les marécages à la recherche de poissons. Ce sont vraiment les Lombards, au VIème siècle, qui poussèrent les habitants à se réfugier dans cette zone humide du Pô, alors sous juridiction de Ravenne, province de l’empire romain d’Orient. Les Vénitiens ne tardèrent pas à se doter d’un pouvoir local, incarné par leur premier doge (du latin duco, conduire, qui a donné en Italien le duce), et c’est vers l’an 1000 que la cité obtint son indépendance, se tournant vers la mer pour étendre son pouvoir. Venise est, en effet, une immense puissance maritime, profitant du commerce du sel, s’emparant des richesses de Constantinople à l’issue des Croisades, s’étendant jusqu’en Istrie, et, à l’ouest, jusqu’à Vérone. C’est à partir du XVIème siècle qu’elle commença à perdre de l’importance avec la progression turque en Méditerranée, mais Venise continuait de rayonner culturellement. Annexée par Bonaparte, elle fut italienne au cours du XVIIIème siècle.
Le Grand canal est l’artère principale de Venise, un grand serpent en forme de S qui la traverse de part en part, sur presque
quatre kilomètres pour une moyenne de 50 mètres en largeur. La profondeur est de cinq mètres. Il faut absolument descendre
et remonter le canal en bateau, gondole ou vaporetto, pour bien s’imprégner de Venise et admirer les façades de ses innombrables
demeures et palais, dont la plupart remontent du XIIIème au XVIIIème siècle. En effet, il n’y a devant ces édifices aucun trottoir, ils
donnent directement sur l’eau, et la seule façon de les admirer est depuis un bateau. Beaucoup de familles nobles souhaitaient
montrer leur puissance en étalant des devantures absolument magnifiques, de tous styles, vénitien, byzantin, gothique, renaissance,
baroque. Jusqu’au XIXème siècle, un seul pont permettait de relier les deux rives, le Rialto, que l’on aperçoit au fond de la photo,
et ils sont quatre aujourd’hui.
Le Grand Canal dans toute sa splendeur.
Des constructions sur pilotis... Venise est avant tout une ville d’eau. C’est une évidence. Les routes, les sens uniques, les voies rapides, les chemins de traverse… sont tous maritimes. Les habitants, et les touristes, se déplacent en bateau. Puis à pied. Aucune voiture, ce qui fait, aussi, le charme unique de Venise. Contrairement à une idée fort répandue, Venise n’est pas construite sur l’eau : elle est bâtie sur plus d’une centaine d’îlots sablonneux. Mais ces alluvions n’étant pas suffisamment solides, les habitants ont toujours eu à coeur de protéger leurs habitations en les renforçant à l’aide de milliers de pieux. Une fois les pilotis installés, on plaçait un plancher en chêne qui devait supporter la construction, qui ne devait pas être trop lourde : on privilégia donc les colonnes élancées, la brique plutôt que la pierre taillée, que l’on parait de marbre, ça allège déjà considérablement la charge ! Depuis des siècles, ces pieux de bois maintiennent Venise, et heureusement, ils semblent en bon état, bien protégés par la boue.
Echappée belle sur le Grand canal.
50 000 visiteurs arpentent la ville chaque jour ! Depuis le XVIIIème siècle, le tourisme est devenu la première source de revenus
de la Sérénissime. Au XIXème siècle, Venise était très prisée de la noblesse et des riches venus découvrir le patrimoine musical et
artistique. C’est l’époque des établissements de luxe, du fameux café Florian sur la place Saint-Marc, qui reçut comme visiteurs
Marcel Proust, Byron ou Dickens.
L’île San Giorgio Maggiore, face au palais des Doges, abrite un monastère éponyme construit par Andrea
Palladio.
La gondole est probablement une des premières images qui viennent à l’esprit en
évoquant Venise. La gondole, quasiment exclusivement utilisée par les touristes
de nos jours, a longtemps été le moyen traditionnel de déplacement pour les habitants. L’embarcation à fond plat, noire, est particulièrement bien adaptée aux canaux.
Jusqu’au début du XXème siècle, les gondoles sont équipées d’une petite cabine
protégeant les passagers des intempéries, mais aussi des regards, à l’aide de petits
volets à persiennes, les fameux "stores vénitiens" . Plus tard, l’abri fut retiré,
probablement parce qu’il gâchait la vue des premiers touristes, et la couleur noire fut
imposée à toutes les embarcations.
Plus de 10 000 au XVIIIème siècle (!), il en reste aujourd’hui environ 400, prises d’assaut par les touristes, ou bien encore utilisées par les locaux pour les mariages ou les enterrements. Elles continuent d’être fabriquées à la main, assemblage de plus de 280 pièces de huit essences de bois différentes. Petite curiosité : le côté gauche est légèrement plus long que le côté droit, afin de compenser le mouvement de rame du gondolier, toujours placé à droite… Fallait y penser !
La Ca’ d’Oro, ou Palazzo Santa Sofia, est un des plus célèbres palais donnant sur le Grand Canal. Cette maison
dorée possédait à l’époque une décoration extérieure faite de dorures. Elle fut construite en 1428 pour la
famille Contarini, qui a fourni à Venise huit doges en six siècles d’histoire. Ce sont les mêmes architectes qui
s’attelèrent également au palais des Doges, et l’on reconnaît d’ailleurs bien le style gothique vénitien, avec une
belle loggia donnant accès au hall d’entrée, directement depuis le canal. Au-dessus se trouve le balcon fermé
du premier étage. Les fenêtres quadrilobées sont décorées avec une grande finesse.
le Rialto
Le grand Canal étant large, il faut bien le traverser ! C’est au XIIème siècle que fut créé le premier pont, uniquement fait de
plusieurs bateaux accolés. Avec l’augmentation de la fréquentation sur ce pont flottant et le développement des marchés sur les
deux rives opposées, il fut décidé de le remplacer en 1255 par un pont en bois, fixe, mais dont la partie centrale était mobile, libérant
ainsi le passage pour les navires de grande taille. Au cours de la première moitié du XVème siècle furent construites les deux
rangées de boutiques qui font encore de nos jours la caractéristique principale du pont, même si ce ne sont plus celles d’origine. Les
loyers ainsi récupérés permettaient l’entretien de l’ouvrage. Le bois étant fragile, et sans surprise, le pont a connu dans son histoire
plusieurs effondrements, comme en 1444, sous le poids de toute une foule venue admirer un défilé de bateaux. Le pont en
pierre tel que nous le voyons aujourd’hui remonte à la toute fin du XVIème siècle. Elaboré par Antonio da Ponte (nom
prédestiné), il est semblable au pont de bois qu’il remplaçait avec ses deux rampes inclinées et ses deux rangées de boutiques.
Rialto
Rialto
Eglise dei Scalzi
L'église des Scalzi (déchaussés) ou Santa Maria di Nazareth fut construite au XVIIIème siècle par Baldassare Longhena. La
façade rococo est lourdement chargée. A l’intérieur (photos ci-dessous), les fresques de Tiepolo furent détruites durant un
bombardement de la première guerre mondiale et refaites ensuite.
2 et 3 - fresques intérieures
Quartier Santa Croce
Petites ruelles aquatiques avec ballet de gondoles.
2 - Scuola et Eglise San
Rocco. A Venise, il existait
de nombreuses scuole…
3 - ballet de gondoles
4 - calme et couleurs des
petits canaux
5 - L’église de San Giacomo di
Rialto, dans le quartier
San Polo, est la plus
ancienne église de Venise.
6 - Il y a exactement, paraît-il,
409 ponts à Venise…
garage à gondoles
Place Saint-Marc et Basilique
Vue générale du coeur de la ville, son ensemble le plus célèbre et le plus impressionnant : Saint-Marc, avec la
piazzetta s’ouvrant sur la mer, le haut campanile, la basilique et le palais des Doges. Ces deux places
attenantes formaient le centre social, politique et religieux de la ville, et est un des endroits les plus visités au
monde. Il faut dire que déambuler parmi de si prestigieux monuments, sans jamais entendre le bruit d’une
voiture, est un pur enchantement.
La vaste place Saint-Marc est dominée dans sa partie orientale par la Basilique et
son campanile. Sur le long côté, au nord, les procuraties, anciens bureaux des
procurateurs de la ville, hauts dignitaires chargés de la conservation des biens de
l’Eglise. Cette aile date de 1514 et est constituée d’une succession ininterrompue de
cinquante arches. On y trouve aussi la tour de l’Horloge. Napoléon surnommait la
place Saint-Marc « le plus élégant salon d’Europe ».
- au sommet de la tour, sur une terrasse, deux grandes figures de bronze, articulées à la taille, frappent les heures sur une cloche ;
l’un est vieux, l’autre jeune, afin de montrer le passage du temps. On les surnomme depuis très longtemps « les Maures » à cause
de la patine sombre présente sur le bronze.
- en dessous, le lion de Venise tient entre ses pattes un livre ouvert devant un fond bleu avec des étoiles d’or.
- on descend d’un étage : voici une galerie semi-circulaire abritant une statue de la Vierge à l’Enfant en cuivre doré. De chaque
côté, deux carrés bleus indiquent l’heure : les heures en chiffres romains, les minutes en chiffres arabes. Deux fois par an, le jour
de l’Epiphanie et de l’Ascension, trois rois mages, conduits par un ange à la trompette, sortent d’un des deux carrés pour venir
saluer la Vierge et repartir de l’autre côté.
- enfin, au-dessus du porche, voici le grand cadran sur fond bleu entouré d’un cercle fixe en marbre blanc gravé des 24 heures en
chiffres romains. On remarque également les signes zodiacaux, en couleur or.
La tour de l’Horloge est un célèbre monument Renaissance donnant sur la place. Il est accolé aux procuraties. L’ensemble, avec l’horloge, remonte à la fin du XVème siècle. La tour fut placée dans ce coin de la place pour être visible de loin, depuis la lagune. L’arche sous l’horloge conduit à la rue principale, la Merceria, conduisant de la place au Rialto, centre financier de la ville.
Le campanile de la basilique est, avec ses 98 mètres, le belvédère le plus célèbre et remarquable de Venise. Il
est constitué de briques sur 50 mètres, puis d’une loggia abritant les cinq cloches. Plus haut, un cube à nouveau
en briques présente alternativement le lion de Saint Marc – son emblème- et une représentation allégorique de
la Justice. Enfin, une flèche pyramidale surmontée d’une girouette en or prenant la forme de l’archange
Gabriel. C’est en 1514 que le campanile prit son apparence actuelle, même si le monument fut entièrement
reconstruit en 1912 après un effondrement.
Pour comprendre l’origine de cette merveille, il faut, comme toujours, faire un
(gros) bond dans le passé, au IXème siècle exactement, lorsque des marchands
ramenèrent d’Alexandrie, en Egypte, les supposées reliques de Saint Marc. On décida
de les conserver à l’abri des convoitises, dans un petit édifice à l’intérieur même du
palais des Doges. En 832, quelques années plus tard, on édifia la première église sur
son site actuel, en même temps que le premier campanile. Les siècles suivants verront
l’ensemble s’agrandir, la façade avec mosaïques, par exemple, ayant été achevée au
XIIIème. On profita alors des relations maritimes avec l’Orient pour ramener de là-bas
nombre de trésors (colonnes, chapiteaux, frises…), autant d’ajouts venus embellir la
basilique, qui, finalement, et un peu à l’instar de celle de Sainte-Sophie de Constantinople, est un mélange incroyable d’éléments
hétéroclites et le plus souvent pillés.
La basilique Saint-Marc est l’édifice religieux le plus important de Venise, et son plus bel exemple d’architecture byzantine. Etant à l’époque la chapelle du palais des Doges, elle en est logiquement attenante. Ce n’est que depuis 1807 qu’elle devint la cathédrale de la ville, et le siège de l’archevêque. On a depuis très longtemps surnommé l’édifice la chiesa d’Oro (l’église d’or), étant donné l’opulence de ses décors en mosaïques, qui font encore la gloire de Saint-Marc.
basilique Saint-Marc
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1 - basilique Saint-Marc, vue des
portails
2 - Dans la partie inférieure de la
basilique se trouvent cinq
portails enchâssés dans de
magnifiques colonnes
polychromes.
3 - Quant aux portails latéraux , ils
relatent l’épopée des reliques
du Saint.
4 - Connexion entre la basilique,
sur la gauche, et le palais des
Doges, sur la droite.
Les fameux chevaux de Saint-Marc, veillant sur la place, ont été installés en 1254. Ils datent de l’Antiquité
classique et auraient même orné, selon certaines sources, l’arc de Trajan à Rome. Ils furent ensuite placés sur
l’hippodrome de Constantinople jusqu’à la quatrième Croisade, lorsque les Vénitiens les amenèrent dans leur
ville. Bref détour à Paris lors des campagnes napoléoniennes, puis retour définitif à Saint-Marc depuis 1815.
Ceux que l’on observe à l’extérieur sont des copies, les originaux étant bien à l’abri dans un musée.
L’intérieur de la basilique se présente comme une grande croix grecque, chacun des bras étant composé d’une triple nef, avec
coupole. Le sol en marbre, du XIIème siècle, est d’origine. Ce qui frappe en entrant, outre l’obscurité assez prononcée, ce sont
les 8000 m² de mosaïques dorées qui tapissent murs et plafonds. Tout est d’une richesse inouïe, entre l’or, le bronze, et les
nombreuses pierres précieuses utilisées.
C’est au XIème siècle que débutèrent les travaux d’embellissement avec mosaïques, qui ont valu à l’édifice le surnom de "basilique d’Or" . Toute l’histoire de la Chrétienté est relatée dans ce vaste programme iconographique.
Coupole de la basilique. le dôme central met en avant le Christ ressuscité entouré de deux rangées d’allégories
des Vertus et des apôtres. Les quatre trompes de la coupole montrent les quatre évangélistes et leurs fleuves
sacrés.
Palais des Doges
Donnant sur la piazzetta, et sa colonne de granit surmontée d’un lion ailé, que l’on aperçoit sur la droite, le palais des
Doges aligne sa somptueuse façade gothique du XIVème siècle. L’administration vénitienne siégeait là durant de nombreuses
années, avant que l’édifice ne servit de prison jusqu’au XVIème (on les appelait les plombs car recouvertes de plaques de plomb,
sous les toits). C’est d’ici que s’est échappé le fameux Casanova, seule évasion connue. Une autre prison fut plus tard construite
hors du palais, au sous-sol, et relié par le célèbre pont des soupirs.
Palais des Doges
Italie - Venise, la Sérénissime
Reviewed by RENOULT
on
10 février
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