Bolivie - le sud Lipez, au royaume des grands espaces
Le sud Lipez est une province bolivienne peu peuplée (à peine 5 000 habitants sur les 15 000 km², dont 99,5 % n’ont pas d’électricité), sauvage, appartenant au département de Potosi, à l’extrémité sud-ouest du pays. Elle est bordée à l’ouest par le Chili et au sud par l’Argentine et sa région du NOA. Les paysages du sud-Lipez font certainement partie des plus grandioses de la planète. C’est une succession de lagunes multicolores peuplées de flamants et de hauts volcans. Partout où se pose le regard c’est l’émerveillement. D’accès difficile (nous étions seuls avec notre propre voiture de location, durant un hiver El Nino avec donc beaucoup de neige comme on le verra plus loin…), une immersion dans le Lipez reste un moment gravé à jamais.
la lagune Canapa au coucher du soleil. Perchée à 4200 mètres d’altitude au pied de Cerro Caquella (5935 m), elle possède à une de ses extrémités un gros dépôt de sel. On distingue à sa surface de petits points qui sont autant de flamants. Au premier plan, les nombreuses touffes de la graminée Festuca orthophylla.
la route des lagunes
Notre objectif est de rejoindre par la route des lagunes, longeant la frontière chilienne plein sud, la célèbre Laguna Colorada. Malheureusement, nous n’avions pas prévu une neige si abondante et ce voyage s’est vite transformé en odyssée… Tout partait bien jusqu’au premier groupe de petites lagunes rencontrées sur la route : Canapa, Hedionda et Honda. Toutes plus belles les unes que les autres, avec leurs flamants du froid.
2 - lagune d’Hedionda
Le parcours en 4X4 est usant, avec un vent terrible dehors. On mange à un col, en plein zef, et à 4200 mètres d’altitude. L’après-midi le parcours devient fantastique puisque l’on passe successivement par cinq lagunes : Canapa, Hedionda, Chiarkhota, Honda et Ramadikas. Hedionda est splendide car elle abrite des dizaines de flamants, que l’on réussit à approcher de très près. On multiplie les photos. Dire que ces oiseaux sont là, gentiment en train de patauger dans des eaux glaciales, avec un vent infernal, sans broncher… nous qui, pauvres humains non plumés, avons si froid. Ils sont tous la tête sous l’eau, pour attraper le plus d’algues et de diatomées. Les envols sont superbes, ils rasent l’eau (un peu comme les pélicans) et on a l’impression qu’ils marchent sur l’eau à l’atterrissage. Pour lutter contre le froid, ils ont un système de circulation sanguine adapté.
lagune Hedionda
Plusieurs espèces de flamants peuvent être vues au Lipez, trois exactement : flamant du Chili (Phoenicopterus chilensis), flamant de James (Phoenicopterus jamesi) et flamant des Andes (Phoenicopterus andinus). Toutes ont développé une adaptation à la vie dans ces conditions extrêmes : capacité à vivre dans des environnements d’eau salée, capacité à boire de l’eau douce à la sortie de geysers, nombreux dans la région (à une température proche de l’ébullition !), mais aussi de l’eau salée (le sel est expulsé par des glandes proches du bec), position sur un pied, tête enfouie dans le plumage, pour améliorer la thermorégulation, circulation sanguine améliorée…
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On poursuit vers la Laguna Colorada, mais ça monte de plus en plus et on commence à rouler sur la neige. Heureusement, il y a des traces. Le temps passe et on ne la voit toujours pas. Les nuages, en outre, sont de plus en plus menaçants. On fait de grands zigzags sur la pente car les traces essaient de prendre là où il y a le moins de neige. Dans un froid glacial nous sommes obligés de remettre de l’essence. Ca caille !!! Terrible, jamais vu un froid comme ça moi ! Nous sommes obligés de stopper à 4610 mètres, sans trop savoir où nous sommes, car la nuit est maintenant tombée. Nous voudrions rejoindre la lagune de nuit mais la voiture refuse de redémarrer, sûrement à cause du froid. Hervé essaie plusieurs fois mais en vain. Nous sommes obligés de passer la nuit ici. Tout d’un coup, le stress : il commence à neiger. Et ça c’est le pire qui puisse arriver car nous sommes les seuls dans le coin, nous n’avons pas croisé UN véhicule de la journée, le prochain bled est à 150 bornes… bref, on est fait comme des rats s’il neige. Nous réfléchissons déjà aux possibilités que nous avons si nous restons bloqués, ce n’est guère réjouissant. Heureusement que nous avons beaucoup de bouffe… Nous nous couchons après avoir longuement parlé, sans avoir beaucoup mangé (pour économiser…). Je m’endors la peur au ventre car il neige toujours…
la neige fait vite son apparition et les choses se gâtent…
3 - Le lendemain, après une nuit de neige, on dégage à nouveau la piste
en attendant que le 4×4 veuille bien se réchauffer pour redémarrer
Réveil de bonne heure avec un ciel dégagé, ce qui est de bonne augure. Ne reste plus que le problème de la voiture. Cette nuit, tout le monde a rêvé de sauvetages et autre… Hervé essaie de démarrer mais rien n’y fait, il fait encore beaucoup trop froid. Nous attendons que le soleil veuille bien réchauffer le moteur. Vers 7h308h, ça marche !! le plus dur est fait. Nous continuons notre route vers la lagune, toujours en suivant les traces. Mais à peine 20 minutes plus tard, on doit stopper car on ne voit plus rien , elles ne continuent pas, elles tournent en rond… Ca semble bizarre que les mecs se soient arrêtés comme ça après tout ce qu’ils ont déblayé… On essaie plusieurs pistes mais en vain. Nous sommes bien forcés de nous rendre à l’évidence : ils ont fait demi-tour, ce qui est une catastrophe pour nous, car il va y avoir maintenant un problème d’essence. On fait donc aussi demi-tour. Autre problème : pendant la nuit, il a tout de même un peu neigé et il y a eu du vent, donc les traces sont partiellement recouvertes. C’est un sacré piège !! On monte en voiture jusqu’à un point assez élevé, à 4900 mètres, pour voir si on ne peut pas couper vers la route de l’est, mais une fois encore nous sommes stoppés par la neige. Alors, petite montée à pied avec Hervé à 5000 mètres pour avoir une vision d’ensemble. Froid horrible, vent qui fait mal au visage et aux oreilles. De là-haut, superbe panorama de 360° sur des montagnes complètement enneigées, avec le Licancabur au fond, tout blanc aussi. On se dit alors qu’il est définitivement impossible de le gravir cette année. Pas de trace de la Laguna Colorada par contre, on en est certainement bien loin.
1 - panorama depuis un promontoire à 5000 mètres d’altitude
2 - un peu plus loin, à nouveau pris dans la neige, la pelle est ressortie. On était pas loin de renverser le 4×4 cette fois !
2 - un peu plus loin, à nouveau pris dans la neige, la pelle est ressortie. On était pas loin de renverser le 4×4 cette fois !
3 - redescente vers les lagunes
ça a bien failli ne pas passer cette fois-ci !
Redescente en voiture. Hervé essaie de prendre à gauche d’un endroit où les traces ont été recouvertes, mais la voiture penche dangereusement et on reste bloqués. Alors il faut descendre et prendre la pelle. J’aide Hervé autour de la voiture (faut voir le boulot qu’il est capable d’avaler !) tandis que Steph et Julien déblaient sur la piste d’à-côté. Il faudra 1h30 de boulot pour dégager la voiture et la faire passer de l’autre côté de la langue de neige. Et tout ça à 4800 mètres d’altitude, la hauteur du Mont-Blanc. Et bien on respire mal, mais on voit aussi qu’on est super bien acclimatés. Longue descente qui n’en finit pas dans la neige. Deux passages délicats bien négociés par Hervé, et on sort – enfin - de la zone difficile.
Nous revoici 24 heures après et bien des frayeurs au même point que la veille, près des cinq lagunes. Nous en profitons pour manger (photo ci-dessous) maintenant que nous sommes sortis du guêpier. Les couleurs du coucher de soleil sur l’altiplano sont divines (en-dessous). Mais la nuit est loin d’être de tout repos car nous voulons longer le salar de Chiguana pour rejoindre au plus vite San Juan et repartir après avoir fait le plein d’essence.
retour au point de départ…
un divin coucher de soleil…
Arrivée au poste militaire de Chiguana. Les militaires n’en ont rien à battre de nos passeports, ils ne les regardent même pas. Ce qu’ils veulent, ce sont des cigarettes. On leur explique que l’on n’en a pas. Nous demandons la route pour Uyuni. Apparemment c’est long, nous on veut gagner du temps et filer par une piste qui nous semble praticable. Les mecs nous disent « attention vous allez vous embourber… » Comme des imbéciles on s’engage… Je suis au volant et au bout de 8 kilomètres, ce qui devait arriver arrive. J’arrive un peu vite sur la piste et je m’enfile dans une ornière boueuse. Tout de suite le véhicule s’arrête net et les roues patinent. Rien à faire, ni en marche avant ni en marche arrière. Il est 20h45 et on s’énerve, c’est vraiment une journée usante par sa tension. A chaque fois que l’on se sort d’un piège ou d’une situation délicate, il faut que l’on se remette dans une mauvaise posture. On croit rêver… Malchance ou trop grande prise de risque de notre part ? Un peu des deux sûrement… Avec Juju nous décidons de faire l’aller (retour ?) au poste militaire. Dans notre malheur, nous sommes heureux de nous être embourbés si près de gens. Les huit bornes sont d’un chiant !! On court un peu, mais je m’arrête vite, trop asphyxié par l’altitude (3800 mètres). Le ciel étoilé est splendide et on se réchauffe en marchant. Une bonne heure plus tard d’une monotonie exaspérante, nous arrivons au poste. Il y a des lumières mais personne ne répond à nos appels, sinon le chien qui hurle à mort. Enfin un mec arrive, on lui explique le cas, on le supplie de nous aider. Il veut bien, mais : il n’a ni voiture, ni camion, ni corde…! Qu’est-ce qu’ils peuvent bien faire ici toute la journée ?? On lui demande s’il y a beaucoup de voitures qui passent par là : « une aujourd’hui» dit-il… oui, une, c’était nous… Re 8 km à pied avec trois militaires, et une seule pelle (tout ce qu’ils ont apparemment). Le trajet me fait vraiment mal aux pattes, les mecs ne décrochent pas un mot, même entre eux, les étoiles sont toujours là (c’est fou non ?). Arrivés à la voiture à 23h15, les mecs commencent à dire : « impossible ! ». Bon… et puis ils ont bossé comme des malades pendant 1 heure, couchés dans la boue. De la folie… et ils ont tiré le véhicule de là ! On est hyper heureux, chanceux… on les ramène au poste, on les paie généreusement et on les remercie mille fois… Il est minuit, quelle journée !!
Laguna Colorada par la route centrale – geyser de Manana
Nous allons tenter une autre route, bien moins haute donc non enneigée, qui part de San Juan vers Alota et Capila. La piste est sévère mais on retrouve les 4×4 de touristes ce qui nous fait dire qu’on est sur la bonne voie.
Au début c’est facile, il y a peu de neige, mais vu que nous depuis le début on n’aime pas quand c’est trop facile ( !!), le chemin se complique sérieusement. Au loin, on aperçoit une cohorte (le mot n’est pas trop fort) de véhicules. 20 en tout ! Tous appartenant à des agences. Ils sont à la queue leu leu car ça bloque devant à cause de la neige. On attend à l’écart, histoire de ne pas encore plus encombrer et aussi de faire demi-tour si jamais ça ne passe pas. On en profite pour petit-déjeuner, c’est toujours ça de pris, et aussi pour écrire un peu, tout en gardant un oeil sur la file. On voit bien de loin que les mecs sortent des véhicules, qu’ils tâtent la neige… bref, qu’ils cherchent un endroit où passer. Alors on attend… et puis à un moment le convoi s’ébranle, alors nous on démarre. On voit à peu près où ils sont passés alors on suit les traces et… à un endroit, c’est un enchevêtrement d’énormes blocs au milieu du passage. Au début on se dit que ce n’est pas le bon endroit, qu’on a dû faire une erreur, on cherche où ils ont bien pu passer… mais non, on doit se rendre à l’évidence : les mecs ont barré la piste pour ne pas que l’on puisse les suivre !!!!! Personne n’y croit et pourtant tout est clair : les blocs ne sont pas soudés par la neige, c’est tout frais, il y a plein de traces de pas sur les côtés et les traces de pneus sont fraîches et recouvertes par ces fameux blocs… on comprend ce qui s’est passé : ils ont dû nous voir au loin, à attendre, ils ont vu qu’on ne faisait pas partie d’un tour opérateur, alors ils nous ont fait une grosse crasse ! C’est du jamais vu, comment peut-on faire ça ?? On essaie de faire demi-tour mais on est pris au piège car le vent violent qui souffle recouvre déjà les traces et il est désormais impossible de faire marche arrière ! Il faut absolument qu’on enlève ces blocs !! Hervé ouvre la voie avec une rage indescriptible (et fort compréhensible). En trente minutes nous dégageons la piste et réussissons à passer le 4X4 de l’autre côté. 5 minutes après pas plus (véridique !) on croise un 4X4 suivi d’un bulldozer qui va dégager la piste jusqu’à la lagune. Ouf… on va vite faire l’aller-retour à Manana et profiter de l’ouverture de la neige avant que le vent ne recouvre tout. On roule une demi heure, les congères poussées par le bull sont impressionnantes, parfois deux mètres de haut.
La région de Sol de Manana est une zone de dense activité volcanique, mais ne possède pas, contrairement à ce que l’on lit partout, de geysers. C’est en fait une succession de petites piscines avec de la boue portée à ébullition. C’est ce que l’on appelle un champ géothermal, étendu sur 10 km² entre 4800 et 5000.
Laguna Colorada
Grand lac de 60 km² pour une profondeur moyenne de seulement 30 cm, la laguna Colorada déploie ses eaux rouges à 4300 mètres d’altitude. Enfin, pour la couleur, tout dépend du moment de la journée, du vent etc… Nous, ce n’était pas fabuleux, mais parfois le rouge est stupéfiant. Cette couleur est due aux sédiments mais aussi à la prolifération d’algues dont sont friands les flamants. A leur tour, les diatomées avalées donnent la couleur rose aux oiseaux…
Route vers Tupiza
Nous poursuivons notre périple en filant plein est vers la petite ville de Tupiza, par une longue piste poussiéreuse. Les paysages changent radicalement : nous retrouvons les cactus, les rivières etc…
3 et 4 - petit cimetière coloré de mineurs venant donner la vie dans ces montagnes grises
5 - petit repos
nous atteignons la parfaite pyramide du Cerro Cholroque (5600 mètres)
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1 - paysage d'érosion
2 - vers Tupiza
2 - vers Tupiza
4 et 5 - marché de Betanzos
L’érosion a créé des formes incroyables dans la région de Tupiza. Outre ses paysages de western, c’est ici qu’auraient fini leur vie les deux célèbres bandits Butch Cassidy et le Kid, pris en chasse par l’armée bolivienne.
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Bolivie - le sud Lipez, au royaume des grands espaces
Reviewed by RENOULT
on
18 novembre
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